FRANCE 2 – JEUDI 2 MARS À 23 HEURES – MAGAZINE
Le problème n’est pas le pourquoi. Le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie consommée en France, soit plus que le secteur des transports à 31,3 %, et il émet plus de 120 millions de tonnes de dioxyde de carbone, soit près du quart des émissions nationales de CO2. Ces données du ministère de la transition écologique justifient aisément l’actuelle politique de rénovation énergétique, qui promet d’en finir avec les passoires thermiques, au rythme de 700 000 logements rénovés par an pendant cinq ans.
Le problème, c’est le comment : l’enquête menée par la journaliste Nolwenn Le Fustec est à ce titre accablante, à tous les niveaux. En commençant par le démarchage téléphonique, effectué par de soi-disant techniciens du bureau d’étude départemental, qui sont en fait vendeurs de pompes à chaleur, chargés de trouver le « gros pigeon » qui va débourser 25 000 euros pour ce qui peut se trouver sur le marché à 9 000 euros. En continuant par les installateurs, qui accumulent les malfaçons, alors que leur entreprise est labellisée « reconnu garant de l’environnement » – un « gage de qualité », selon le site ministériel.
Contrairement aux apparences, l’enquête ne concerne pas que les potentiels acquéreurs de pompes à chaleur, mais tous les citoyens, puisque c’est l’argent public qui, dans les exemples cités, est mal employé. Ainsi l’attribution de MaPrimeRénov’peut s’avérer ubuesque, tant le portail informatique cumule les bugs – sa conception a été confiée au grand cabinet de conseil parisien Capgemini.
Politique du chiffre
A tous les étages, la politique du chiffre est favorisée au détriment de la qualité. A l’Agence nationale de l’habitat, la directrice générale, Valérie Mancret-Taylor, assume face à la journaliste quant à l’installation de pompes à chaleur, y compris dans des passoires thermiques et les fraudes : « Ça arrive. (…) Ce n’est pas notre sujet. Notre sujet est de faire des campagnes » pour inciter les Français à rénover en masse. Quant à MaPrimeRénov’, « la plate-forme fonctionne », assure-t-elle.
Même satisfaction au sommet de l’Etat, alors que, officiellement, 679 000 habitations ont bénéficié d’une rénovation énergétique en 2021. Sauf que, selon France Stratégie, structure dépendant du premier ministre, précise Nolwenn Le Fustec, 83 % des rénovations sont trop partielles.
Or la politique du chiffre fait des victimes – les particuliers, qui se retrouvent endettés ou sans chauffage. Ainsi des clients de cette entreprise qui a mal installé une pompe à chaleur, en Alsace : elle ne sera pas poursuivie, elle a mis la clé sous la porte et a disparu.
« Est-ce que l’on recherche ce qui est le plus efficace ou ce qui est le plus symbolique ? », interroge François de Rugy devant la caméra. « Malheureusement, le plus symbolique l’emporte très largement sur le plus efficace », conclut l’ancien ministre (2018-2019) de la transition écologique.
Rénovation énergétique : des milliards dépensés pour rien ?, de Nolwenn Le Fustec (Fr., 2023, 75 min).