« J’ai toujours rêvé de diriger un théâtre, et d’en faire une maison vivante et habitée », s’amuse Claire Dupont, en ouvrant les portes du Théâtre de la Bastille, de plain-pied sur la rue de la Roquette à Paris, où elle a pris ses quartiers, lundi 20 février. A 42 ans, c’est elle qui a été nommée, à l’issue d’un long processus juridique pour transformer ses statuts, à la tête de ce lieu qui occupe une place à part dans le cœur des spectateurs parisiens. Jean-Marie Hordé, qui l’a dirigé de 1989 à la fin de 2022, a fait de la Bastille un foyer de découvertes, unique dans le rapport privilégié, intime, qu’il permet entre les artistes et les spectateurs.
Dans une géographie théâtrale parisienne qui se recompose, sans forcément se renouveler, comme l’atteste le choix d’Olivier Py à la tête du Théâtre du Châtelet, l’Etat, lui, a fait à la Bastille un choix audacieux. Claire Dupont, si elle n’est pas encore connue du grand public, arrive dans le jeu avec un beau parcours et un profil de tête chercheuse à même d’affronter les évolutions qui vont affecter le secteur du spectacle vivant dans les prochaines années.
Enseignante-chercheuse à l’université Paris-III et fondatrice de Prémisses Production, une officine dévolue à la jeune création fondée en 2017, elle a, dit-elle, « toujours voulu mêler ses deux amours, le théâtre et l’université ». Et c’est ce qu’elle a fait, ne cessant jamais d’enseigner, tout en travaillant au Théâtre de la Tempête, niché au cœur du bois de Vincennes, et en accompagnant, au tout début de leur parcours, des artistes comme Pauline Bureau ou Julien Gosselin.
Avec Prémisses, elle a inventé un nouveau type de structure, faisant le constat qu’« il manquait un maillon pour aider les artistes sortant des écoles à démarrer, à se structurer et à entrer dans la profession ». Directement inspiré par l’économie sociale et solidaire, Prémisses est une sorte d’incubateur, qui a permis à de jeunes créateurs – souvent des créatrices, à l’image des membres du Collectif Marthe ou de Raphaëlle Rousseau – d’émerger.
« Rajeunissement et diversification »
Après un passage au Théâtre de la Cité internationale, il était temps pour elle d’envisager de prendre la tête d’une maison. La Bastille s’est présentée comme une occasion rêvée. « Une magie particulière habite les lieux, s’enthousiasme-t-elle. Je me reconnais totalement dans l’“expérience Bastille”, qui est celle d’un théâtre à échelle humaine, qui a ouvert nombre d’espaces créatifs. »
Comme de nombreux spectateurs, c’est ici que Claire Dupont a découvert les Flamands du tg STAN, l’Iranien Amir Reza Koohestani, Nathalie Béasse ou les premiers spectacles de Tiago Rodrigues, devenu depuis directeur du Festival d’Avignon. Elle souhaite donc s’inscrire dans cette histoire, tout en la faisant évoluer. « Il existe un véritable public Bastille, qui considère ce théâtre comme le sien, ce qui est formidable, mais il a vieilli, constate-t-elle. Il va y avoir une problématique de rajeunissement et de diversification, qui est de notre responsabilité à tous dans la profession, pour la survie même du spectacle vivant. »
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