C’est Roald Dahl qu’on édulcore

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Peut-on revisiter les textes d’un auteur pour les adapter aux ­sensibilités contemporaines sans dénaturer son style et altérer son message ? S’agit-il d’une censure pure et simple, ou d’une modernisation nécessaire pour des écrits datés susceptibles, désormais, d’offenser ? Le débat a été relancé au Royaume-Uni après que le quotidien conservateur The Daily Telegraph a révélé, le 17 février, qu’une quinzaine d’ouvrages de Roald Dahl (1916-1990), auteur mondialement connu de Charlie et la chocolaterie ou du BGG (« Le Bon Gros Géant »), aux histoires facétieuses à l’humour souvent noir, avaient été modifiés dans leur réédition de 2022.

« Cette ­censure est absurde »

Des centaines de changements ont été apportés aux textes originaux, portant sur le genre ou l’apparence des personnages. Dans James et la Grosse Pêche, Tante Eponge n’est plus « terriblement grosse et flasque », mais « une vieille brute méchante ». Miss Trunchbull, la directrice d’école dans Matilda, n’est plus « une terrible femelle »,mais une « terrible femme ». Dans Charlie…, les Oompa Loompas, les ouvriers de l’usine de chocolat, deviennent des « petites personnes » et non plus des « petits hommes ».

L’initiative de l’éditeur Puffin Books (branche jeunesse de Penguin Random House) à l’égard d’une icône britannique toujours prisée par les écoles primaires du pays a suscité un tollé. « Roald Dahl n’était pas un ange, mais cette ­censure est absurde. Puffin Books et le Dahl Estate [la Roald Dahl Story Company, détentrice de ses droits d’auteur, rachetée en 2021 par Netflix] devraient avoir honte », a regretté l’écrivain Salman ­Rushdie, grand défenseur de la liberté d’expression. « Le premier ministre est d’accord avec le BGG, on devrait éviter de “gobble­funker” les mots [le langage charabia des géants dans Le BGG] », a réagi le porte-parole du premier ministre Rishi Sunak. Les auteurs doivent résister aux tentatives de « limiter leur liberté d’expression », a même jugé la reine consort, Camilla Parker Bowles, le 23 février – une critique à peine voilée de l’éditeur Puffin ?

« Notre principe directeur a été de ­préserver les scénarios, les personnages, l’irrévérence et l’esprit tranchant du texte original », a assuré un porte-parole de la Roald Dahl Story Company, qui a approuvé cette réécriture. Face à l’émoi, quasi unanime, Puffin Books a cependant fait en partie machine arrière vendredi 24 février, annonçant qu’il allait rééditer des classiques de Roald Dahl dans leur version originale : ils seront disponibles en librairie aux côtés de ceux qui ont été modifiés en 2022.

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