QUINZAINE DES CINÉASTES
Invitée à la Quinzaine des cinéastes, la Camerounaise Rosine Mbakam, née à Yaoundé en 1980 et installée en Belgique, réputée pour son œuvre documentaire (Les Deux Visages d’une femme bamiléké, Chez Jolie Coiffure, Les Prières de Delphine), dresse, pour sa première incursion fictionnelle, le portrait d’une fatigue. Celle, taraudante, qui s’abat sur Pierrette, couturière d’un quartier populaire de Douala élevant seule ses deux garçons, faisant face à une recrudescence de commandes à l’approche de la rentrée scolaire, comme à des clientes à la dent dure qui négocient âprement les prix de confection.
L’existence trop pleine finit par déborder, comme les rues du quartier sous le coup de pluies diluviennes, inondant ses appartements, quand une bande de petits voyous venus dérober sa caisse achèvent de noircir le tableau. Aucun répit à l’horizon pour cette Mère Courage qui se résout à confisquer la cagnotte de son fils afin de joindre les deux bouts.
Une extrême simplicité
Pierrette coud donc de plus belle, dans son petit atelier, point focal du récit et carrefour de la ville, où passent les femmes et enfants, les commères et coquettes, plus rarement les hommes. Soit une vue en coupe de la société camerounaise – et il apparaît peu à peu que c’est aussi bien celle-ci que Pierrette recoud inlassablement. A l’instar de sa consœur, la Félicité du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis (dans le film homonyme sorti en 2017), Pierrette compose une allégorie du pays, car c’est sur ses épaules que, en dernier recours, retombent tous ses problèmes, dont le plus patent serait la démission des hommes.
Avec une extrême simplicité, et des choix de mise en scène d’une grande discrétion, Rosine Mbakam s’efface derrière les contours de son personnage, dessiné par fines touches dans un registre alliant description et sociologie ciselée. C’est quand il fonctionne que le film convainc un peu moins, car alors le volontarisme de l’écriture se fait sentir. L’inquiète tranquillité l’emporte sur la durée, par la vérité même émanant des figures dépeintes, mais aussi par son tableau d’un dénuement social qui ne cède jamais au coup de force ni au misérabilisme. Ici, les choses les plus graves se révèlent et se pansent, en même temps, par la patience des plans.
Film belge et camerounais de Rosine Mbakam (1 h 33). Avec Pierrette Aboheu, Karelle Kenmogne, Cécile Tchana. Sortie en salle prochainement.