Après dix jours de compétition et vingt longs-métrages présentés, analysés et débattus par la critique dès l’issue des projections, le jury de la section parallèle Un certain regard, mené par l’acteur américain John C. Reilly, a rendu son palmarès, vendredi 26 mai, lors de sa traditionnelle soirée de clôture. Un palmarès qui, peu ou prou, reflète les trois grands motifs qui, cette année, ont traversé les films de la sélection : l’exhumation par différents pays de leur histoire coloniale ; la mise en lumière d’une jeunesse abandonnée, livrée à elle-même, condamnée à l’errance et à la déréliction ; et celle d’une paupérisation mondiale dont l’effet est d’engendrer toujours plus de violence.
Le prix Un certain regard est ainsi allé à How to Have Sex, premier long-métrage de la Britannique Molly Manning Walker, 29 ans, où trois adolescentes s’offrent une parenthèse enchantée (croient-elles) dans une station balnéaire crétoise. Au programme : alcool, drogue et sexe à l’excès, nuits blanches et idées sombres vite chassées par les paradis artificiels, rencontres à tout-va visant à satisfaire le plaisir immédiat, l’hédonisme sans entraves jusqu’au vertige et la perte du désir même. Car il se joue là bien autre chose que la frivolité à laquelle on voudrait croire. La question du consentement, entre autres, l’injonction des premières fois à laquelle on se soumet, et, en dernier lieu, la désillusion qui en découle.
Visions oniriques
Parmi les longs-métrages présentés dans cette quarante-cinquième édition, Augure, du rappeur et performeur Baloji, a reçu le Prix de la nouvelle voix. Ce premier film multiforme, qui mêle réalisme, spiritisme et visions oniriques, met en scène le retour au Congo, après quinze ans d’absence, de Koffi (Marc Zinga) venu présenter sa femme (européenne, enceinte de jumeaux) à ses parents. Ce dernier a pris ses distances avec ses origines, sa mère qui l’a banni, son quartier de Lubumbashi qui l’a toujours considéré comme un sorcier. Les retrouvailles chaotiques avec la famille mèneront à la rencontre de trois autres personnages, en rupture avec leur milieu. Quatre voix, quatre présences qui multiplient les points de vue, élaborant finalement une sorte de labyrinthe évocatoire d’une culture animiste, à laquelle le réalisateur adjoint, pour en délivrer toute la complexité, son propre univers artistique, musical, poétique et pictural.
Nouveauté de cette édition 2023, le Prix d’ensemble a couronné La Fleur de Buriti, du Portugais Joao Salaviza et de la Brésilienne Renée Nader Messora. Un voyage dans le temps et dans l’espace préservé de l’Etat du Tocantins, au nord-est du Brésil, auprès du peuple kraho. Communauté menacée depuis des lustres, bataillant pour préserver leur terre, adaptant leurs rites et leurs pratiques sans jamais renier ce qui les rattache à la nature. Un lien que le duo de cinéastes restitue par la grâce d’un lent récit ajusté aux cycles naturels, aux tâches et aux gestes quotidiens, aux rites ancestraux.
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