Cannes 2023 : le grand théâtre historique et politique du « Procès Goldman »

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QUINZAINE DES CINÉASTES

La « Quinzaine » démarre fort avec la présentation, mercredi 17 mai, sous les arcades du Théâtre Croisette, du Procès Goldman, grand retour de Cédric Kahn à Cannes, vingt-deux ans après Roberto Succo (2001). C’est à une autre sorte d’insurgé que l’acteur cinéaste consacre son nouveau long-métrage, et à un cas juridique complexe, celui du militant d’extrême gauche Pierre Goldman, sujet à fragmentation tant il a nourri les controverses. Sujet houleux, aussi, en ce qu’il plonge au cœur névralgique des clivages de la société française, retrace le parcours fracassé de l’extrême gauche dans l’après Mai-68 et convoque également le sort des juifs d’Europe. Toutes dimensions que Cédric Kahn parvient à enchâsser en un même point de vue imprenable sur les passions politiques françaises.

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Comme le titre ne l’indique pas complètement, le film retrace le second procès de Pierre Goldman, figure de la gauche révolutionnaire commise dans le banditisme, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité – un jugement cassé pour vice de forme. L’accusation porte sur quatre braquages à main armée perpétrés entre décembre 1969 et janvier 1970, dont un dans une pharmacie, boulevard Richard-Lenoir, à Paris, ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, abattues de sang-froid. L’inculpé plaide coupable pour les trois vols d’argent, mais pas pour le double assassinat, durant lequel il prétend s’être trouvé chez un ami.

L’audience s’ouvre le 20 novembre 1975 devant la cour d’assises d’Amiens, prétoire où règne une ambiance électrique, où se toisent soutiens et opposants, factions d’extrême droite et d’extrême gauche. Dans le box comparaît Goldman (Arieh Worthalter), auréolé d’un récent succès en librairie (son livre Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, écrit en prison en 1975) qui a fait de lui le champion de la gauche culturelle (Simone Signoret est dans la salle), bête de scène munie d’un charisme à toute épreuve, dont la défense, assurée principalement par Georges Kiejman (Arthur Harari), tente d’endiguer les accès d’histrionisme, face au redoutable asticotage de l’avocat général, Me Garaud (Nicolas Briançon).

Eloquence affûtée

Le personnage est dépeint comme un accusé paradoxal, incapable de se défendre sans se desservir, volontiers polémique, refusant de se rendre sympathique, comme de mendier son innocence, qu’il réclame d’autorité, se disant « ontologiquement innocent » : « Je suis innocent parce que je suis innocent », résume-t-il par une formule tautologique, décorrélant le jugement d’un certificat d’exemplarité ou de bonne morale. Les témoins se succèdent à la barre – badauds, policiers, parents, proches –, et la stratégie de Goldman consiste à désigner le procès comme forme creuse, idéologiquement biaisée.

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