Cannes 2023 : « L’Autre Laurens », polar à combustion lente

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QUINZAINE DES CINÉASTES

Dans la catégorie « extraterrestres du cinéma d’auteur », le Belge Claude Schmitz, 43 ans, se pose là, venu derrière la caméra sur le tard, alors qu’il menait déjà une brillante carrière sur les planches, en tant qu’artiste associé au Théâtre de Liège. Opérateur de mélanges improbables, fasciné par les noces contre nature du réel et de l’artifice, de l’amateurisme et de la sophistication, le metteur en scène, au sens large, pratique une sorte de lyrisme à froid.

Avec un sens du titre délicieusement saugrenu, comme on pouvait en juger avec Braquer Poitiers (2019), où deux pieds nickelés dévalisaient un car wash comme des branquignols, ou Lucie perd son cheval (2021), balade médiévale tirée d’une pièce non jouée pour cause de Covid-19.

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Claude Schmitz est reçu cette fois à la Quinzaine des cinéastes, à Cannes, avec un film plus ambitieux, moins flibustier. L’Autre Laurens joue avec les stéréotypes du polar pour mieux les confronter à des corps qui les démentent. Un détective privé bruxellois décati (Olivier Rabourdin), à court de liquidités, est alerté par sa nièce (Louise Leroy), bimbo blond platine, sur la mort suspecte de son père dans un accident de voiture, survenu peu de temps auparavant.

Les deux filent dans le Sud et débarquent dans la rutilante villa familiale, où règne désormais en maîtresse la marâtre veuve, Shelby (Kate Moran), à la tête d’une horde de motards et en bisbille avec un gang espagnol, dans la ville frontière de La Jonquère.

Préciosité symboliste

L’Autre Laurens passe la rhétorique de l’enquête au filtre d’une stylisation à combustion lente, à base de plans frontaux, de postures décomposées, le tout rehaussé par une palette flashy et une gamme de lueurs électriques. Le film se présente moins comme une déconstruction du polar que comme une façon de le remythifier à rebours, grâce à des icônes décalées, creusant la distance avec les stéréotypes qu’elles incarnent.

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En montant en gamme de production, le cinéma de Claude Schmitz accuse, en même temps, ses limites : une certaine rigidité de mise en scène, une préciosité symboliste qui arrive après d’autres gestes décadentistes plus marquants (Yann Gonzalez, Bertrand Mandico), une propension à botter en touche quand vient l’action (une scène de fusillade rapidement escamotée). Ce qui n’empêche pas L’Autre Laurens de toucher parfois juste, par de beaux moments de jeu, notamment quand il ose s’approcher des visages, se brûler à la présence débordante des acteurs.

Film belge et français de Claude Schmitz. Avec Olivier Rabourdin, Louise Leroy (1 h 57). Sortie en salle prochainement.

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