SÉLECTION OFFICIELLE – UN CERTAIN REGARD
Le précédent long-métrage du duo Joao Salaviza et Renée Nader Messora, Le Chant de la forêt, avait reçu le Prix spécial du jury, au Festival de Cannes, en 2018. Fruit d’une longue immersion de neuf mois au sein du peuple Kraho, dans le territoire préservé de l’Etat du Tocantins, au nord-est du Brésil, le film – à la croisée de la fable et du documentaire anthropologique – avait émerveillé par sa magie poétique, que révélait chacun de ses plans. On retrouve cette magie dans La Fleur de Buriti, tourné au même endroit, en collaboration avec le même peuple Kraho dont l’histoire nous parvient, ici, à travers plusieurs regards. Notamment ceux du jeune Ilda Patpro Kraho, de Hyjno Kraho et de sa femme, Luzia Cruwakwyj Kraho.
Le voyage touche au sacré, qui s’effectue avec lenteur, au rythme des tâches quotidiennes, des gestes et des rituels ancestraux, sculptant à mesure de son avancée un territoire poétique. Lequel agit comme un élixir qui vient aiguiser nos sens et nous ramener au commencement de l’humanité. Mémoire oubliée soudain ravivée par le peuple Kraho dont la réalité et l’imaginaire se raccordent aux nôtres. C’est ce lien que recréent d’abord le Portugais Joao Salaviza et la Brésilienne Renée Nader Messora dans La Fleur de Buriti.
A partir de là s’élabore patiemment un long récit où s’entrecroisent, se répondent et parfois se confondent, par leur éternel recommencement, trois époques. Chacune se rapportant à des épisodes traumatisants. Le massacre des Kraho perpétré, en 1940, par des agriculteurs désireux de s’approprier leurs terres. Les persécutions qu’ils subirent durant la dictature militaire au Brésil (de 1964 à 1985). Et celles dont ils sont encore victimes aujourd’hui, en particulier pendant la présidence de Bolsonaro, avec la mise en place de sa politique en faveur de l’agronégoce, au détriment des populations indigènes.
Voix des anciens
Cette histoire que relate le film, sans que nous ayons à quitter la forêt – ce berceau originel qui progressivement nous (re)devient familier – fait entendre la voix des anciens et les chants qui convoquent les âmes. Elle restitue, par leurs mots et leur rapport au monde, la mémoire du peuple Kraho. Elle porte enfin la parole des générations présentes et en devenir. Celle qui nous entraîne, dans la dernière partie du film, sur les routes menant à Brasilia, où les indigènes ont prévu de se rassembler, en tenues traditionnelles, afin de manifester et défendre leurs droits devant la Cour suprême.
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