SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION
Peu de gens connaissaient le nom de la réalisatrice et scénariste franco sénégalaise Ramata-Toulaye SY, diplômée de la Fémis, âgée de 36 ans, avant que son premier long-métrage, Banel e Adama, ne soit retenu en compétition : ce film, éligible également à la Caméra d’or, relate sous la forme d’un conte une histoire d’un amour vouée à l’échec, qui étouffe sous le poids des conventions d’un petit village du nord du Sénégal.
Banel (Khady Mane), cheveux courts et tee-shirt, est mariée à Adama (Mamadou Diallo), dont le père était le chef du village. Adama ne veut pas succéder à son père car il rêve d’une vraie vie de couple avec sa femme, à l’écart du village et des traditions. Sur un monticule, les deux amoureux s’échinent à creuser pour désensabler deux petites maisons circulaires qui leur serviraient de nid (l’une des plus belles séquences du film). Banel est une femme à part, elle ne veut pas d’enfant. « Adama me suffit », dit-elle à la mère de son mari, laquelle lui rétorque : « Il faut que son fils ait un héritier, faute de quoi il prendra une seconde épouse. »
La suite n’est que déconvenues et malheurs pour la jeune mariée. Mais, plutôt que d’entrer dans le drame naturaliste, Ramata Toulaye-SY transforme insensiblement son héroïne en une étrange créature, qui tue froidement un oiseau, des lézards… Et s’emporte contre un petit garçon tout aussi intrigant, qui la fixe constamment tout en prenant des notes, comme s’il écrivait son destin. La cinéaste joue avec les codes du genre, mais sans aller aussi loin qu’Atlantique (2019), de Mati Diop, pour citer une autre cinéaste franco sénégalaise qui a été aussi en compétition à Cannes et a reçu le Grand Prix du jury – une fabuleuse histoire de zombies et de réincarnation, sur fond de migrations.
Plutôt que de raconter la tragédie des traversées en mer, Ramata Soulaye-SY souhaitait montrer la possibilité d’un bonheur au pays. C’est en travaillant sur les couleurs, qui pâlissent, ou sur les sons qui disparaissent (plus de chant d’oiseaux), que le film fait son deuil de la félicité. En pente douce, pour ne pas dire de manière un peu lisse.
Film français, sénégalais, malien de Ramata-Toulaye SY. Avec Khady Mane, Mamadou Diallo (1 h 27). Sortie en salle prochainement.