« Brainwashed. Le sexisme au cinéma », sur Arte : master class de démystification

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ARTE – LUNDI 4 SEPTEMBRE À 22 H 50 – DOCUMENTAIRE

Quel est le point commun entre La Dame de Shanghaï (Orson Welles, 1947), Once Upon a Time… in Hollywood (Tarantino, 2019), Le Mépris (Godard, 1963), Raging Bull (Scorsese, 1980) et Requiem for a Dream (Aronofsky, 2000) ? Des classiques, qui ont marqué l’histoire du 7e art, parfois en sus de succès populaires. Mais pas seulement.

En montant près de 200 extraits de films – de la création du 7e art à nos jours –, la réalisatrice de fiction Nina Menkes souligne, dans une brillante master class de cinéma, une représentation sans cesse reproduite des femmes en objet sexuel et fait apparaître une structure sexiste systémique, le fameux male gaze (regard masculin), y compris dans des films dont le propos est féministe ou qui sont réalisés par des femmes.

Cette énumération scénique aurait pu être banale, barbante ou écœurante. Au contraire, Nina Menkes, obsédée par ce sujet depuis trente ans, livre un film d’une grande portée tant il est intellectuellement riche et finement réalisé. Construit en un peu plus de deux ans – notamment grâce à Internet –, il se structure autour de sa conférence « Sexe et pouvoir : le langage visuel du cinéma » et du travail d’actrices, de productrices, de réalisatrices ou d’enseignantes, à l’instar de la théoricienne du cinéma Laura Mulvey, qui a défini, en 1975, le male gaze.

Relation sujet-objet

Nina Menkes y fait la percutante démonstration que la construction des plans avec des personnages féminins, à travers le cadrage, les mouvements de caméra, l’éclairage, ou des effets comme le ralenti, définit une relation sujet-objet qui place systématiquement les femmes comme objet du regard, souvent réduites aux fonctions sexuelles. « L’image des femmes n’a rien à voir avec elles, synthétise Laura Mulvey. Elle est le produit de la conscience masculine qui se l’est appropriée. »

Le documentaire ne se contente pas de rendre visible et lisible une norme patriarcale perpétuée de façon plus ou moins consciente et subliminale. « On a vraiment l’impression que le langage visuel cinématographique qui nous entoure correspond au langage de base de la culture du viol », souligne la réalisatrice, qui s’attache à démontrer les liens cycliques entre ce langage et, d’une part, les discriminations sexistes dans le monde du travail, et, d’autre part, l’omniprésence de la violence sexuelle dans notre société.

En 2018, seulement 8 % – contre 9 % vingt ans plus tôt – des 250 films les plus vus ont été réalisés par des femmes. Et 94 % des femmes qui travaillent dans l’industrie hollywoodienne – dont sont issus 80 % des contenus de « divertissement » diffusés à travers le monde – ont subi des actes d’agression ou de harcèlement sexuels dans leur carrière.

Conduisant une très puissante réflexion sur le regard et la représentation des genres à partir des héritages de Michel Foucault, de bell hooks (nom de plume de Gloria Jean Watkins) ou d’Audre Lorde, le documentaire de Nina Menkes est une expérience rafraîchissante de la portée politique du cinéma. A la fois invitation créative à imaginer d’autres codes, représentations, personnages et réalisation, elle est tout autant une œuvre cinématographique en ce qu’elle multiplie les niveaux de lecture, interroge le regard du spectateur, formule des pistes pertinentes.

Brainwashed. Le sexisme au cinéma, documentaire de Nina Menkes (EU, 2022, 105 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 2 décembre.

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