« Bookmakers », sur Arte Radio : échange littéraire avec Céline Minard

0
9

ARTE RADIO – PODCAST – À LA DEMANDE

Redire. Que Richard Gaitet est ce qui est arrivé de mieux à la critique littéraire et qu’à l’heure de la promo ad nauseam et d’un entre-soi étouffant, son podcast « Bookmakers » est non seulement une bouffée d’oxygène mais une oasis d’intelligence. Parce que Richard Gaitet lit vraiment – et sans doute plutôt deux fois sinon rien. Parce qu’il lit de manière exhaustive une œuvre qu’il questionne. Parce que ce qu’il en retire, pour nos oreilles qui n’en reviennent toujours pas d’être soudain si bien traitées, est à la hauteur de ses entretiens : exigeant et intense. Et, ce qui ne gâche rien, le tout est particulièrement bien réalisé (par Charlie Marcelet) et mis en musique (originale, de Samuel Hirsch).

Il eût été possible d’arrêter ici de tresser des lauriers à l’empereur Gaitet, mais ses trois derniers épisodes sont d’une densité rarement égalée. Il faut dire aussi qu’il est allé voir l’une de nos autrices « les plus aventureuses de la fiction francophone contemporaine », selon lui : Céline Minard, révélée par la critique avec Le Dernier Monde (Denoël, 2007) et autrice, entre autres, de Bastard Battle (bataille médiévale teintée de manga, Léo Scheer, 2008), Faillir être flingué (prix du livre Inter, Rivages, 2014) et Plasmas (Grand Prix de l’imaginaire, Rivages, 2022).

« Multiplier les genres d’espaces »

Episode 1. A la rituelle question de l’inspecteur Gaitet : quel est le mot qui correspond le mieux à votre œuvre ? « L’espace, peut-être les espaces parce que c’est ce que j’essaie de créer (…) Parce que j’essaie de multiplier les genres d’espaces, les tonalités, les textures, les volumes. C’est l’espace imaginaire, c’est l’espace littéraire, c’est l’espace où habiter, et pour moi, un livre, qu’on l’écrive ou qu’on le lise, c’est un endroit où on habite un temps. » Réponse brillante, et tout sera de cette veine. Car de sa biographie et de bien d’autres choses, vous n’aurez pas sa peine. D’autant que, « la biographie d’un écrivain, c’est sa bibliothèque ».

Lire aussi : Dans « Bookmakers », sur Arte Radio, Richard Gaitet cuisine écrivains et éditeurs

Enfant, c’est La Petite Poule rousse, parce que « les Martine, c’était irrespirable ». La découverte de François Villon : « Heureusement que l’école m’a mise devant ce genre de textes. » Puis d’Arno Schmidt : « Le lire fut une permission de faire péter le monde. Il a une écriture extrêmement chargée, tout est vivant, ça grouille de partout. » Il y aura Faulkner, Borges, Duras, Michaux, Elfriede Jelinek. Et, bien sûr, Don Quichotte, qu’elle relit régulièrement : « Tous les grands textes sont ceux qui, bien que clos et achevés, regorgent d’ambiguïtés et de contradictions (…) Je veux lire des choses pas possibles qui se posent comme une évidence. »

Lire aussi : Dans « Bookmakers » sur Arte Radio, l’écrivaine Maria Pourchet met le feu

Ensuite, il faudra « s’autoriser à écrire. S’octroyer cette liberté. Inventer sa place ». Longtemps (épisode 2), elle aura écrit avec le Dictionnaire de la langue française d’Alain Rey à proximité, parce que, dit-elle, « on rentre dans l’épaisseur historique d’un mot ». Toujours à la main parce que « c’est un geste l’écriture ».

A Richard Gaitet qui la chatouille avec ce truc de romancière exigeante, elle répond : « Je suis un auteur populaire. On peut ne pas comprendre un mot ou deux ; quel est le problème ? On saute. » Et admet : « Mes romans débordent les genres, les encadrent, les dévoilent, les collisionnent. Ils sont transgenres. Ce qu’il faut déboulonner, c’est le cadre. »

Bookmakers, de Richard Gaitet. A retrouver sur Arte Radio et toutes les plates-formes d’écoute habituelles (3 x 45 min).

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici