Bertrand Mandico, au Festival de Cannes 2023 : « C’est la vieillesse qui détruit la jeunesse »

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Même sur la Croisette, Bertrand Mandico ne passe pas inaperçu, avec son look de sorcier psychédélique tout droit sorti d’une bande dessinée de Gilbert Shelton : crinière luxuriante, écharpes sans fin et bagues en pagaille. Le prolifique cinéaste vient défendre Conann, libre adaptation du fameux mythe d’heroic fantasy qui remonte aux légendes celtes.

Le fait de récupérer un personnage comme Conan le Barbare pour le féminiser peut-il être vu comme un virage guerrier de votre cinéma ?

C’est une mise en garde. Quand je regarde autour de moi, je ne vois que des perspectives sombres et tragiques, le paysage actuel m’effraye complètement. Je crois que tous les problèmes viennent de la soif de pouvoir, de la corruption qui, pour moi, coïncident avec l’enfer. C’est en tout cas la première fois que je réalise un film où il y a un discours politique très frontal. Jusqu’alors, j’œuvrais dans la parabole, même si ce que je racontais faisait écho au monde contemporain, tel le motif de la transidentité, dans Les Garçons sauvages [2017]. Avec Conann, j’ai voulu renouer avec un cinéma politique que j’admire, comme celui de Pasolini, pour sa façon de regarder le spectateur dans le blanc des yeux.

« Conann » vient d’un projet de spectacle vivant. Qu’est-ce que le théâtre vous a apporté ?

Une part de mon travail, souvent occultée, c’est le travail sur le texte et avec les actrices, pour moi très important, et sur lequel ma mise en scène a peut-être posé un écran de fumée. L’invitation au théâtre vient de Philippe Quesne, l’ancien directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers, qui m’a convié en me disant : « Ce serait bien que tu viennes tourner un film au théâtre, parce que ta façon de faire est si insolite qu’elle fait déjà office de spectacle. » J’ai pris cette invitation comme un laboratoire d’écriture et de création pour en arriver au long-métrage. Il se trouve que la pièce n’a pas pu voir le jour à cause du Covid-19, mais le travail a été filmé, et il en sortira d’autres films, comme des poupées gigognes.

Votre héroïne, incarnée par six actrices différentes, est prise dans une mue perpétuelle : à chaque âge, elle tue la précédente version d’elle-même. D’où vient cette curieuse idée ?

Je me suis demandé quel était le comble de la barbarie, et j’en suis arrivé à cette conclusion : c’est la vieillesse qui détruit la jeunesse. Chaque âge assassine le précédent. Cela correspond aussi à ce que j’ai pu ressentir en vieillissant, en regardant les décennies passées. A 15 ans, j’avais l’impression d’être tout autre, d’avoir d’autres illusions. A 25, puis à 35 ans, nos personnalités se détachent comme des peaux, mais l’on peut aussi voir cela sous l’angle du renouvellement.

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