Cinquante-deux ans est un âge plutôt inhabituel pour livrer son meilleur album quand on est chanteur, mais, depuis ses débuts discographiques en 2003, Albin de la Simone trace un sillon déviant, en marge des logiques du show-business. Comme Leonard Cohen avant lui, il avait celui du Christ quand il s’est enfin décidé à laisser entendre sa voix blanche et faire fi d’un déficit de charisme, normalement deux lourds handicaps dans ce métier. Sauf en France, où s’est développé, depuis Françoise Hardy, un chant de confidence sans accent tonique. Et où, grâce à Alain Souchon, timidité, vulnérabilité et maladresse sont devenues des vertus masculines.
Les onze chansons que renferme Les Cent Prochaines Années, septième album studio d’Albin de la Simone, doivent beaucoup à l’empreinte laissée par l’interprète d’Allô maman bobo (1977), sans le name-dropping dont ont pu abuser Souchon et un autre de ses héritiers, Vincent Delerm, collègue d’Albin de la Simone dans la maison de disques Tôt ou tard. « C’est l’auteur et le chanteur dont je me sens vraiment proche pour l’écriture, convient Albin de la Simone, qui avait convié Souchon à un duo (Patricia) dès son premier album, après avoir été son claviériste de tournée en 2001 et en 2002. Déjà, musicalement, il y a chez lui et Laurent Voulzy l’influence des Beatles. Et il peut évoquer des choses très profondes et universelles avec un langage simple, ce vers quoi je tends. »
Le jeune Albin a 10 ans (évidemment) quand il entend en concert le grand Alain pour la première fois : « Face au culte de la virilité d’un Johnny Hallyday, lui parlait de ce que je ressentais réellement. En CM2, je me faisais taper sur la gueule à la récré par des mecs plus forts que moi qui me trouvaient efféminé. Depuis mon album Un homme [2013], on dit que j’ai un côté féminin. Mais je défends l’idée qu’on peut être sensible, fragile et masculin. »
Pour preuve, cette pochette montrant un bambin dans les bras de sa mère, illustration visuelle de Petit petit moi, avec ses accords rappelant ceux d’Imagine : « Ce n’est pas narcissique car je ne me reconnais pas, c’est juste une belle photo d’un enfant joyeux. J’ai élargi la chanson à un tableau de famille qui ne cultive ni douleur ni ambiguïté, ce qui est plutôt rare chez moi. Ils cueillent des jonquilles, sur mon premier album, parlait de mes parents en train de s’entretuer dans la maison pendant que ma sœur et moi étions dans le jardin. C’était violent et assez immature, j’ignorais alors ce que c’est qu’être parent. » Pour Ta mère et moi, « un florilège des conneries que l’on peut dire à un ado », il a modifié la rythmique originelle, agressive, qui donnait à la chanson un ton « méchant et sarcastique ». En optant pour plus de rondeur et de douceur afin de susciter l’empathie envers le narrateur.
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