Avec « French Kiss », le chanteur Chilly Gonzales prend langue avec la France

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On se souvient d’une première rencontre, en 2002, où Jason Beck assaisonnait son anglais de français maladroit pour répondre aux questions posées à Chilly Gonzales, le rappeur de cabaret que ce pianiste canadien, émigré alors à Berlin, avait choisi d’incarner, à l’aube des années 2000. Un peu plus de vingt ans après, plus de souci avec « la langue de Voltaire, Flaubert, Baudelaire et Bangalter », que cet anglophone se dit « trop fier de parler », dans une chanson, French Kiss, et un nouvel album du même nom, le premier écrit en français.

Ce baiser « avec la langue », Gonzales le roule pour déclarer sa flamme paradoxale à un pays où son parcours de chanteur et d’instrumentiste, mais aussi d’arrangeur et de réalisateur (pour Jane Birkin, Philippe Katerine, Teki Latex, Arielle Dombasle, Feist, Daft Punk…), a enchaîné coups de cœur, ruptures et réconciliations. Burlesque, ironique, sincère, enfantin, ce défi linguistique dessine aussi, en creux, le portrait d’un bouffon profond.

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Né en 1972, ce Montréalais a grandi en anglophone dans la métropole québécoise, même si des études dans une école française le familiarisent avec une langue qui continuera de l’intimider. « J’ai vite compris que les francophones avaient un attachement particulier à leur langue, plus fort que ne l’avaient les anglophones. Elle est, pour eux, un instrument, un outil de séduction, qui demande une certaine virtuosité. »

Inclassable boulimique

Ses débuts de rappeur excentrique se construisent d’abord en anglais. Il traverse l’Atlantique pour rallier l’effervescence de la scène berlinoise, avant de finalement s’installer à Paris, en 2003. L’« über-entertainer » se retrouve, à l’époque, dans la fantaisie du rap underground local, portée par des groupes comme TTC, dont le leader, Teki Latex, devient l’un de ses proches.

La fascination du pianiste pour l’école impressionniste (Fauré, Debussy, Ravel…), son héritage mélodique marqué par la tradition tricolore lui ouvrent aussi d’autres portes. Notamment au côté de Renaud Letang, pilier des Studios Ferber (Paris 20e), où le monsieur s’est imposé comme l’un des réalisateurs phares de la chanson pop française. « J’avais mixé son troisième album, Presidential Suite [2002], sans le rencontrer, se rappelle Letang. Je m’étais aperçu que son rap-électro s’enrichissait d’excellents arrangements harmoniques. J’étais convaincu que son talent pouvait s’adapter à de nombreux styles. »

Après une première collaboration avec Guesch Patti, le duo Letang-Gonzales va prospérer au service d’une impressionnante variété d’artistes. « J’avais l’impression de pénétrer dans la “cour royale” de la chanson française, affirme en rigolant aujourd’hui Gonzales. Un pied dans l’élite de la musique et un pied en dehors, en fou du roi capable de dire “C’est qui ce SDF ?” en croisant Souchon, que je ne connaissais pas. »

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