Avec « Esterno notte », Marco Bellocchio replonge dans la nuit italienne

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Fin janvier, le centre-ville de Bologne est sens dessus dessous. Des insurgés font voltiger leur haut-de-forme, aux cris de « A bas le pape ! » Œil vif et sourire en coin, malgré ses 83 ans, Marco Bellocchio y tourne l’ultime scène de son nouveau long-métrage, un film d’époque pressenti pour le prochain Festival de Cannes.

La dernière fois qu’on l’avait croisé, c’était huit mois plus tôt, sur la Croisette justement. Même entrain, doublé d’une même intranquillité. Le cinéaste présentait sa toute première série, Esterno notte, dans la section Cannes Première. Arte, qui l’a coproduite, en diffuse les six épisodes depuis le 8 mars. Son titre fait écho à Buongiorno, notte (2003), le long-métrage que Bellocchio avait consacré à l’enlèvement et à l’assassinat par les Brigades rouges du président de la Démocratie chrétienne, Aldo Moro, du 16 mars au 9 mai 1978.

Pourquoi revenir sur cette tragédie qui a ébranlé la vie politique italienne ? « Quand je commence un projet, je pars toujours d’images : j’ai besoin d’éprouver un rapport immédiat, presque physique, au sujet, confiait-il au Monde, à Cannes, en mai 2022. Revoir des photos de Moro en famille ou devant la foule, publiées lors du quarantième anniversaire de sa mort, en 2018, m’a remué. Cette fois, j’ai voulu filmer l’enlèvement non pas de l’intérieur, comme dans Buongiorno, notte, mais de l’extérieur (« esterno » en italien). La dramaturgie procède des différentes tentatives mises en œuvre pour le libérer. Celle de son ami, le ministre de l’intérieur Francesco Cossiga ; celle du pape Paul VI ; celle d’un couple de brigadistes dissidents ; et celle de son épouse. Elles ont toutes échoué. Le film, pardon la série – je ne sais plus comment l’appeler –, vit sur ces quatre échecs. »

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Serties d’un prologue et d’un épilogue, ces quatre tentatives forment chacune la trame d’un épisode à part entière. « On a vite compris, en optant pour un récit aussi ample, que cela ne pouvait pas ne pas être une série », poursuit celui qui dit avoir apprécié, en la matière, Nos meilleures années, The New Pope ou Les Revenants. « On a respecté certaines règles du genre : une tension permanente, des retours en arrière chronologiques au début de chaque épisode… »

« Labyrinthe »

Il y a vingt ans, Bellocchio avait dédié Buongiorno, notte à la mémoire de son père. Il a tourné Esterno notte dans la foulée de Marx peut attendre (2021), un documentaire revenant sur le suicide, en 1968, de son frère jumeau, Camillo, également dévoilé à Cannes.

C’est que, chez l’Italien, l’intime commerce sans cesse avec le politique : « En 1978, j’étais à Rome quand Moro a été enlevé. Je n’imaginais pas que les brigadistes iraient jusqu’à le tuer, après cinquante-cinq jours de captivité. Sa mort m’a laissé stupéfait, égaré. Dix ans plus tôt, je n’étais pas parvenu, de même, à pressentir que mon frère mettrait fin à ses jours. Ce manque de sensibilité, d’intuition, cette incapacité à comprendre certains destins a été le moteur du documentaire comme de la série»

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