Derrière le féminisme glamour et malicieux de Brigitte, le duo formé, de 2010 à 2021 par Sylvie Hoarau et Aurélie Saada, quelques indices – un album baptisé A bouche que veux-tu (2014) et leur label, Boulou Records (du nom d’un biscuit tunisien)… – laissaient deviner le bon coup de fourchette des interprètes de Battez-vous (2011). La gourmandise s’affiche, cette fois, au grand jour dans Bomboloni, premier album solo au nom de beignet mitonné par une Aurélie Saada croquant dans des chansons assaisonnées de rumba, funk, jazz ou soul. Au service de textes dévoilant souvent ses passions culinaires, comme pour mieux accentuer l’incarnation charnelle des émotions et la saveur des souvenirs.

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Fin janvier, la chanteuse et réalisatrice avait d’ailleurs lancé sa tournée – de passage, mardi 7 mars, à La Cigale à Paris – par un concert donné à la Maison de la radio, dans le cadre de l’Hyper Weekend Festival, tout en régalant les clients de Radioeat, le restaurant de Radio France, d’un menu qu’elle avait concocté en insufflant ses racines juives tunisiennes. « J’écris et compose comme je cuisine, avec ma mémoire et ce que j’ai sous la main, dans le but de mettre dans la bouche quelque chose qui compte émotionnellement », explique celle qui, sur son compte Instagram, partage des recettes au son de ses chansons. « Le vocabulaire de la cuisine peut exprimer tous les sentiments : joie, amitié, réconfort, violence, érotisme… », assure Aurélie Saada, qui, dans la chanson titre, roucoule : « Donne-moi ta peine, je vais la cuisiner/Cette petite chienne, j’en ferai des beignets/Des bomboloni à s’en lécher les doigts/Tu l’oublieras, tu l’oublieras. »
Elle aurait pu donner rendez-vous dans l’une des institutions de la cuisine judéo-tunisienne de son 9e arrondissement. A la vénérable Boule rouge ou dans l’échoppe de Bob de Tunis, où elle avait tourné l’une des scènes de Rose (2021), son premier long-métrage, produit, comme son album, par sa petite société, Les Productions du couscous. Elle a préféré nous faire découvrir La Fille du boucher (Paris 17e), néobistrot casher. Recueil d’aventures et de blessures amoureuses, de tendresse maternelle et de tragédie enfantine, son premier album rayonne aussi de souvenirs qui n’étaient pas les siens. Ceux d’une Tunisie, où elle n’est allée pour la première fois qu’en 2022, pour le tournage du clip d’une chanson consacrée au pays de ses parents : « Sur le carrelage de la cuisine/Entre Créteil et Belleville/Dans le cumin et la fleur d’oranger/Dans le chant des bracelets/Qui dansent autour des poignets/Je ne te connais qu’à travers leurs souvenirs. »
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