Il pleut ce 9 mai, sur les jardins de la Malmaison, alourdissant la tête des grands iris jaunes et les myriades de boutons de la roseraie. Détrempées les prairies du jardin à l’anglaise et les allées gravillonnées du domaine, dont subsistent 28 des 700 hectares que l’impératrice Joséphine acquit à partir de 1799. Les jardiniers ont néanmoins entrepris de sortir les lourds bacs de l’orangerie du château de Bois-Préau. Le temps presse. C’est en effet dans cet espace rectangulaire de la fin du XIXe siècle, d’une capacité de cent soixante places, que se déroule, du 24 au 29 mai, le premier Festival de Pentecôte sur pianos historiques.
La Malmaison a toujours été une affaire de femmes. La conservatrice générale, Elisabeth Caude, directrice du service à compétence nationale dans les Musées nationaux des châteaux de Malmaison et Bois-Préau (Hauts-de-Seine), de l’île d’Aix (Charente-Maritime) et de la maison Bonaparte, à Ajaccio (Corse-du-Sud), ne cache pas son admiration pour l’impératrice. « Joséphine a choisi et acheté la Malmaison, alors que Bonaparte était en campagne d’Egypte, explique-t-elle. Il s’agissait d’une ancienne seigneurie de la fin du XIVe siècle. »
Le couple impérial va lancer une importante campagne de restauration de cette demeure de plaisance, alors que la mode opère un retour à l’antiquité gréco-romaine et égyptienne. « Fréquentée par la société consulaire, la Malmaison devient un lieu à la mode, renchérit Elisabeth Caude. Elle le restera même après le divorce de Joséphine, nommée impératrice douairière, d’avec Napoléon, en 1809. »
Nombre de musiciens fréquentent évidemment les lieux. L’impératrice joue elle-même de la harpe (le salon de musique abrite aujourd’hui le fameux instrument orné d’un aigle doré, réalisé vers 1805 par le luthier Cousineau). Ses deux enfants, issus de son premier mariage avec le vicomte Alexandre de Beauharnais, pratiquent la musique avec passion. « Eugène s’intéresse à l’opéra italien et chante du bel canto, tandis qu’Hortense possède un vrai talent, joue du pianoforte et compose de la musique », ajoute la conservatrice, qui précise qu’a été récupérée « une grande partie des partitions qui figuraient dans le fonds musical inventorié après le décès de l’impératrice, en 1814 ».
Réévaluer le répertoire
Toutefois, ce n’est pas autour du piano historique de la reine Hortense qu’est née l’idée du Festival de Pentecôte – l’Erard de 1812, qui trône aujourd’hui au fond du petit salon de musique de la Malmaison, ne peut être joué en l’état actuel –, mais de son aîné, un piano Erard carré de 1806, entièrement restauré par le maître d’art Christopher Clarke. L’instrument a été acquis en mars 2018 par l’association La Nouvelle Athènes (en référence au cénacle romantique parisien du début du XIXe siècle), que préside Sylvie Brély, également directrice artistique du Festival de Pentecôte. Le collectif s’attache en effet à constituer une collection de pianos d’époque (entre 1750 et 1850), afin de permettre aux interprètes de réévaluer le répertoire, notamment la musique française du premier romantisme. « Je cherchais un lieu qui soit un véritable écrin pour faire entendre cet instrument présenté au public en février 2020, Salle Cortot à Paris », précise Sylvie Brély. Elisabeth Caude, quant à elle, cherchait à offrir au public des « expériences émotionnellement fortes, historiquement indiscutables ». Toutes deux se sont entendues autour d’une saison et d’un festival.
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