Au Festival de Deauville, Joanna Arnow se soumet avec humour

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Vêtue de noir, cheveux fins ondulés coupés au carré, frange et lunettes rectangulaires, Joanna Arnow apparaît, la tenue vestimentaire exceptée, telle que dans son film, La Vie selon Ann. Son premier long-métrage, présenté en mai à la Quinzaine des cinéastes, à Cannes, aujourd’hui en compétition au Festival du cinéma américain de Deauville et dans lequel elle s’est octroyé le premier rôle. Celui d’une jeune femme dont le portrait (largement autobiographique) se dessine à mesure de ses rencontres amoureuses et sexuelles. Lesquelles répondent toutes aux codes et aux rites de la soumission.

Une pratique consentie qu’Ann a choisi de vivre comme une aventure inédite, une exploration nouvelle de son corps et de la relation à l’autre. Le film est gonflé, déroutant, dérangeant et drôle. Sur ce dernier point, la réalisatrice insiste : elle a d’abord et surtout souhaité écrire et mettre en scène une comédie BDSM. Sa méthode : une réalisation minimaliste, faite de longs plans-séquences filmés par une caméra statique posée à distance, un cadre légèrement dissonant qui laisse apercevoir, à droite ou à gauche de l’image, un détail aussi incongru que révélateur.

Absence d’artifices

Entre des scènes de sexe viennent s’intercaler des moments de vie ordinaire – les visites et déjeuners chez les parents (interprétés par ses propres père et mère), les journées monotones au travail où la jeune femme apparaît quasi invisible derrière son bureau. L’irrévérence du film, la solitude des personnages se révèlent par ces moments de rupture, ces changements de rythme qui soudain brisent le train-train d’une soumission, celle-ci se propageant jusque dans le cadre familial et le milieu professionnel. Ann s’en moque, elle demeure discrète, posée, appliquée. Au point qu’elle en devient irrésistible. La drôlerie nous cueille sans en avoir l’air, derrière le visage d’une jeune femme sérieuse et bonne élève en toute situation.

L’absence d’artifices, obtenir le plus avec le moins : c’est ainsi que Joanna Arnow se présente à nous, répondant avec concision, de cette façon aussi qu’elle appréhende son cinéma. Avant La Vie selon Ann, elle a réalisé plusieurs documentaires et courts-métrages (Laying Out, 2019, I Hate Myself, 2013). Un travail d’observation qu’elle a appliqué ici, dans son premier long, en s’inspirant d’elle-même et des expériences vécues par d’autres, en écoutant des conversations de tous les jours, en s’en remémorant certaines, plus anciennes. La matière recueillie a nourri son film, auquel elle a donné la forme la plus simple possible. « Vive l’amour, de Tsai Ming-liang [1994], m’a beaucoup influencée, car il a, lui aussi, des plans très longs et une mise en scène très épurée qui laissent le loisir au spectateur de s’imprégner, de voir les éléments placés dans l’image selon son propre rythme. »

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