Comment peut-on disposer de tant d’argent et rester si pauvre ? Face aux détonations assourdissantes d’Agent Stone ou au gâteau de mariage écœurant de My Dear F***ing Prince, longs-métrages en tête des classements de leurs plates-formes respectives, Netflix et Prime Video, la question se fait lancinante.
Aussi différents soient-ils, les deux films ont en commun un mépris pour l’intelligence de leur public que tentent de masquer les moyens mis à la disposition de ces productions. Qu’il s’agisse du film d’action qui voit Gal « Wonder Woman » Gadot tenter de faire aussi bien que Tom Cruise ou de la comédie romantique transatlantique et gay, les scénarios semblent crachés par une machine à laquelle le premier terme de la locution « intelligence artificielle » ferait beaucoup d’honneur.
Bien sûr, Agent Stone est une énorme production bâtie autour du statut de star que Wonder Woman a conféré à Gal Gadot, pendant que les jeunes gens qui incarnent les amoureux de My Dear F***ing Prince (Taylor Zakhar Perez et Nicholas Galitzine) sont presque inconnus, ce qui sied à un film au budget plus modeste, mais tout de même capable de balader ses amants entre Washington, Austin (Texas), Londres et Paris.
S’ils sont ici dans le même sac, c’est qu’ils semblent symptomatiques de l’un des dommages les plus inquiétants que l’économie du streaming inflige au cinéma : le nivellement par le bas des attentes et des goûts des spectateurs.
Mouvement perpétuel
Produit par Skydance, la compagnie de David Ellison, comme Mission : Impossible. Dead Reckoning, partie 1, Agent Stone présente d’autres points communs avec les derniers exploits d’Ethan Hunt (Tom Cruise), ce qui permet de procéder à un test comparatif entre une production du vieil Hollywood et un contenu destiné au streaming. D’un côté comme de l’autre, le MacGuffin est une intelligence artificielle capable de surveiller et de modifier toutes les activités du genre humain ; encore une fois, le salut de ce dernier dépend d’un groupe d’agents secrets opérant en dehors des lois et des institutions.
Sur Netflix, les espions de tous pays se sont regroupés en une organisation transnationale qui essaie de limiter les bourdes de leurs gouvernements respectifs, grâce à The Heart, petit nom donné à l’intelligence artificielle mentionnée plus haut (dans Mission : Impossible, l’IA est une arme de destruction massive).
Au nom de la liberté, on célèbre la surveillance permanente de tous par un petit groupe (chaque agent a pour nom de code celui d’une carte à jouer, ils ne peuvent donc être plus de 52). Mais qui s’en soucie, du moment que l’écran est agité d’un mouvement perpétuel ? On reconnaît les figures des thrillers contemporains – la poursuite automobile dans un lieu mal commode (Lisbonne), la représentation de la virtuosité numérique (un nerd fait glisser des images dans l’espace), le combat chorégraphié.
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