FRANCE 5 – DIMANCHE 14 MAI À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE
Istanbul, fin mars 2022. Un mois après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, des pourparlers ont lieu entre responsables des deux camps. Au milieu des diplomates, la présence d’un homme intrigue. Barbu, sans cravate, Roman Abramovitch prend des notes. Que fait l’oligarque russe, l’un des hommes les plus riches de la planète, les plus mystérieux aussi, dans cette réunion ? Il aurait, dit-on, à la fois la confiance de Poutine et l’oreille de Zelensky. Ou le contraire. Difficile, quoi qu’il en soit, de faire plus ambivalent que ce citoyen russo-israëlien-portugais dont le parcours ne cesse d’intriguer. Et dont la règle d’or est de ne jamais accorder d’entretien.
Auteur de ce documentaire, Stéphane Bentura n’a donc pas obtenu de rendez-vous avec Abramovitch. Mais ce refus attendu n’a pas empêché l’ancien journaliste à l’Agence France-Presse, qui fut correspondant à Moscou, de mener une minutieuse enquête, retrouvant des témoins du premier cercle d’Abramovitch et dénichant des archives inédites.
Le résultat vaut le coup d’œil. Car si les zones d’ombre entourant Abramovitch ne sont pas levées, l’irrésistible ascension de cet homme capable de se sortir de tous les mauvais coups se regarde comme un thriller. Pendant que les oligarques qui ne sont plus en odeur de sainteté aux yeux de Poutine tombent comme des mouches (finissant en exil, en prison ou au cimetière), Roman l’équilibriste s’en sort toujours. Jusqu’à quand ?
Animal politique à sang-froid
« Je suis né à Saratov, en 1966. J’ai perdu mes parents très jeune. » Si Abramovitch n’accorde pas d’interview, il est bien obligé de s’exprimer en public en 2011 à Londres, convoqué devant un tribunal spécial avec son ancien mentor et partenaire en affaires devenu un rival : Boris Berezovski, qui sera retrouvé mort dans sa propriété d’Ascot, au Royaume-Uni, en mars 2013.
Durant ce procès, qui durera près d’un an, Abramovitch se fera un devoir de venir à chaque séance. Et de raconter sa vie. Il joue gros : un tiers de sa fortune et sa réputation. Verdict ? Il s’en sort, comme d’habitude. A coups de trahisons, d’habileté, de flair, de prudence aussi, il semble capable de nager en eaux très troubles. « J’ai commencé ma carrière en 1987, sous Gorbatchev. J’ai fait partie des premiers entrepreneurs de l’URSS en lançant une coopérative de fabrication de jouets en plastique pour enfants. » La suite ? Sidérurgie, produits chimiques, gaz, pétrole, tout ce qui s’achète, se détourne, se revend avec une marge colossale.
On assiste à la vie d’un animal politique à sang-froid. De ses huit années (2000-2008) passées au fin fond de la Sibérie en tant que gouverneur de la région de la Tchoukotka en passant par la présidence du club de Chelsea, les affaires en or et la manière dont il s’est débrouillé en 2011 pour obtenir, grâce à un certificat rabbinique de complaisance, la nationalité portugaise, le roman de Roman est plein de rebondissements.
Abramovitch, un oligarque dans l’ombre de Poutine, de Stéphane Bentura (Fr., 2023, 76 min). France 5