A Toulouse, les secrètes et belles alliances de Julius Asal

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Ouverture sous le signe de la jeunesse pour la quarante-quatrième édition du festival Piano aux Jacobins que dirigent, depuis 1980, Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan. Le Géorgien Giorgi Gigashvili, 22 ans, a fait forte impression, mercredi 6 septembre, avec un programme de compétition. Mais, le lendemain, le public attend l’Allemand Julius Asal, 26 ans, qui fait ses débuts en France. Autant Gigashvili avait enfourché les grands chevaux de bataille pianistiques – Kreisleriana schumanniennes, Sonate pour piano en si mineur, de Franz Liszt, Messe noire, d’Alexandre Scriabine –, autant le fin jeune homme blond aux allures de prince de Hombourg joue la carte de l’insolite et des alliances improbables.

A 26 ans, cet élève d’Andras Schiff à la Kronberg Academy, depuis octobre 2021, possède la tranquille assurance de ceux dont le destin s’impose dès la naissance, en 1997, à Bad Homburg (Allemagne), dans une famille musicienne – mère pianiste et père clarinettiste. L’enfant improvise sur un clavier en même temps qu’il apprend à parler. Mais son jeu puissant, porté au fond des touches, et l’hédonisme sonore dont il panache chacune de ses interprétations, révèle une âme d’esthète dont témoigne un premier disque consacré à Sergueï Prokofiev qui lui a valu l’adoubement de la critique allemande.

C’est naturellement avec la suite pour piano tirée par le compositeur russe de son ballet Roméo et Juliette qu’il entame son récital toulousain. Une partition, dont il a volontairement écarté certaines pièces, pour apporter sa propre vision de l’œuvre avec d’autres arrangées par lui-même en 2020. Le jeune musicien aborde la musique en compositeur et en narrateur. Ainsi, dans La Querelle, une de ses six transcriptions, où les plans sonores s’animent de la rage mortelle qui jette Capulet et Montaigu les uns contre les autres. Ou la fameuse Danse des chevaliers (cette fois Prokofiev), jouée dans une sorte de frémissement mystérieux, débarrassée de l’empesage des armures, dont le thème trouvera son plein épanouissement après une partie centrale ondoyante.

Envoûtante étrangeté

Quatre préludes de Claude Debussy poursuivent le programme de celui dont le regretté Menahem Pressler (1923-2023) avait salué le talent peu avant de disparaître : « Le jeu de piano de Julius Asal m’a tout de suite émerveillé. L’instrument semblait lui révéler un secret. » C’est d’une envoûtante étrangeté que s’enveloppe la majestueuse Puerta del Vino aux graves capiteux, avant une Cathédrale engloutie, dont les baudelairiennes sonorités d’orgues basaltiques semblent héler du fond de l’eau l’esprit de la mythique ville d’Ys. Kaléidoscope sonore pour Général Lavine – eccentric, avant l’exultation fiévreuse et libre de Ce qu’a vu le vent d’ouest.

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