« A l’Ouest rien de nouveau » : à quatre-vingt-dix ans d’intervalle, deux visions infernales de la guerre

0
30

Neuf nominations aux Oscars, 14 nominations aux Baftas (homologues britanniques des précédents) : l’admiration que témoignent les professionnels anglo-saxons du cinéma au long-métrage allemand d’Edward Berger tient sûrement à ses qualités spectaculaires, quand bien même cette nouvelle adaptation du roman d’Erich Maria Remarque n’a connu que brièvement les salles obscures et peut désormais se voir sur Netflix. Le récit d’A l’Ouest rien de nouveau a beau – dans cette version – aller de l’été 1917 à l’armistice de 1918, ces images d’hommes s’entretuant, souffrant, mourant dans la boue d’un éternel hiver européen ont frappé si vivement parce qu’elles renvoient à ce que nous entrevoyons de la guerre en Ukraine.

Ce qui ne fait pas pour autant du film un chef-d’œuvre, contrairement à l’adaptation réalisée en 1930 par Lewis Milestone (il suffit de s’aventurer sur le site de la Cinetek pour la (re) découvrir dans une impeccable copie). Dans la version d’Edward Berger, les lycéens allemands d’une petite ville cossue ne rejoignent pas les rangs de l’armée impériale dans l’enthousiasme des premiers jours de guerre, mais en 1917, au moment qui voit l’effondrement de l’Empire russe et l’entrée en guerre des Etats-Unis. Ils partent tout de même pour le front français, la fleur au fusil. Tout de suite, à force de décors spectaculaires et d’effets spéciaux numériques, Berger donne la dimension de la catastrophe qui fait rage depuis maintenant trois ans.

Le cinéaste met d’abord en scène l’industrie qu’est devenu le conflit. Les premières séquences détaillent les étapes de la récupération des uniformes sur les cadavres des hommes tués au combat. Vêtus de ces reliques, Paul Baümer, le personnage central, un garçon de 17 ans, et ses camarades, qui se voyaient en héros, sont immédiatement ramenés à leur condition de rouages dans une mécanique monstrueuse. A ceci près que les rouages sont de chair et de sang et que Berger ne laisse rien ignorer de ce qui peut leur arriver. De la baïonnette au lance-flammes, en passant par les chars d’assaut tout juste sortis de l’imagination des ingénieurs de l’armement, il y a tant de manières de briser et de démembrer les corps.

Une impression utilitaire

Rien – ni le lyrisme auquel recourait Spielberg dans Cheval de guerre, ni la virtuosité technique de Sam Mendes dans 1917, pour ne citer que deux films récemment consacrés à ce conflit – ne vient infléchir la brutalité de la mise en scène, mais aussi sa sécheresse qui tient aussi à l’exactitude sans âme des effets numériques.

Il vous reste 43.65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici