A l’opéra d’Angers, un « Elixir d’amour » cul sec

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Après La Chauve-Souris de Johann Strauss en 2021, Madame Butterfly de Puccini en 2022, c’est au Donizetti de L’Elisir d’amore que les maisons d’opéra de Rennes puis d’Angers et de Nantes ont choisi de confier la dernière programmation de leur saison. Une production capable d’attirer plus de 8 000 personnes, sans parler de sa retransmission en direct sur écrans, le 15 juin, dans plus d’une cinquantaine de villes des régions Bretagne et Pays de la Loire ainsi que sur des chaînes de télévision locales et le site Internet de France 3. L’événement s’adresse évidemment au plus grand nombre, à l’instar de l’élixir d’amour du charlatan Dulcamara, censé faire s’éprendre les cœurs, aussi sûrement que le philtre qui lia Tristan et Isolde.

La mise en scène de David Lescot ne cherche pas midi à quatorze heures. Sur une placette agricole où s’affairent des Gitans, la belle Adina, jeune impertinente toute à sa fringale de lecture, s’efforce de tenir à distance le pauvre Nemorino (plus ou moins le benêt du village) qui se meurt d’amour pour elle. Entre provocation et revendication libertaire, notre Carmen au petit pied choisit même d’épouser l’avantageux et ridicule officier Belcore, histoire d’éprouver son piteux amant, lequel se laissera plumer par Dulcamara pour quelques gorgées du précieux élixir (en fait du vin de Bordeaux).

Silo à grain de maïs, escalier en bois et grange à l’étage, tapis de tri pour les céréales sont prétexte à une trépidante direction d’acteur semée de gags plus ou moins prévisibles, comme le duo entre Adina et Belcore titubant sur un tapis roulant en action. Le metteur en scène s’est attaché à donner aux femmes les allures séductrices et vindicatives des cigarières de Bizet, aussi promptes à aimer qu’à manier l’arme blanche. « Drôles de gens que ces gens-là ! », dirait-on pour parodier une fois encore Carmen. Robes bigarrées, chevelures en bataille et bric-à-brac foutraque dépeignent une société aussi disparate dans son détail qu’uniforme dans sa globalité.

Tourbillon d’une course à la vie

Seul, chétif, isolé, Nemorino se débat sous le regard sans compassion d’une foule dont la violence railleuse marque sa différence, sa naïveté et sa quête d’amour. Lescot réussirait presque à en faire le symbole de l’humilié et offensé si la verve de Donizetti (mis à part le fameux « Una furtiva lagrima », hymne de victoire amoureuse chanté au creux d’un lamento) ne battait musicalement en brèche cette interprétation, emportant chacun des protagonistes – masse chorale comprise – dans le tourbillon d’une course à la vie.

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