A la Fondation Pathé, toute la fantasmagorie du cinéaste Victor Sjöström

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La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, à Paris, destinée à entretenir la mémoire du cinéma muet, fait sa rentrée sous la bannière d’un grand nom du genre, le Suédois Victor Sjöström (1879-1960), auquel est consacrée une rétrospective complète du 6 septembre au 10 octobre. L’initiative permet de sortir enfin ce formidable pionnier, auteur de La Charrette fantôme (1921) ou du Vent (1928), des remises un peu poussiéreuses des manuels d’histoire, et de donner meilleure prise sur une œuvre finalement peu connue, rarement montrée.

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Figure de proue de l’école scandinave, Victor Sjöström prit une part considérable, dès le début des années 1910, à l’essor de la cinématographie locale, qui, en une poignée d’années, acquit un rayonnement international grâce à des récits d’une force exceptionnelle, inscrits dans les fascinants paysages nordiques teintés de fantasmagorie. Sa renommée lui valut, en 1924, de faire le grand saut vers Hollywood, où, rebaptisé « Seastrom », il tourna une dizaine de films pour le studio MGM, avant que la révolution sonore ne l’éloigne des plateaux.

Comédien de formation, visage taillé à la serpe, regard perçant et carrure imposante, Sjöström joue souvent dans ses propres films, qui racontent le combat éternel de l’homme aux prises avec des forces plus grandes que lui – la nature, la société ou ses propres démons. Après une première carrière sur les planches, l’acteur et metteur en scène passe derrière la caméra en 1912, à l’invitation de Charles Magnusson, patron de la société cinématographique suédoise Svenska Biografteatern, qui recrute alors diverses personnalités du théâtre pour donner un tour plus ambitieux à ses productions. En cinq ans, Sjöström enchaîne une trentaine de films, la plupart disparus dans l’incendie qui dévasta les entrepôts de la société (alors nommée SF) en 1941 – ainsi en va-t-il de l’héritage muet qu’on estime détruit à 80 %.

Pureté élémentaire

Le plus ancien film conservé, Ingeborg Holm (1913), témoigne déjà d’une réussite hors du commun, arrachant le muet à ses origines théâtrales. Cet émouvant mélodrame d’une veuve contrainte par la faillite d’abandonner ses enfants à l’Assistance publique fit tant d’effet à sa sortie qu’il entraîna une réforme des services sociaux suédois. Découpe harmonieuse de l’espace et jeu tout en sobriété des comédiens s’allient dans une épure confondante de naturel. Dans la dégringolade de l’héroïne, déchue de son statut bourgeois, se dessine un destin commun aux grands personnages de Sjöström : un devenir clandestin ou hors la loi qui consiste à s’éloigner de toute communauté humaine.

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