A la Biennale de Venise, Lesley Lokko invite l’architecture du futur

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« Je n’aurais pas pu monter la biennale si je ne pensais pas en écrivaine. Et je n’aurais jamais pu écrire des romans si je n’avais pas une formation d’architecte. » Profil atypique que cette Lesley Lokko, romancière et architecte, ghanéenne et écossaise, à qui la Biennale d’architecture de Venise a confié le commissariat de sa 18e édition, qui ouvre le 20 mai. Sous le titre « Le Laboratoire du futur » qu’elle lui a donné, cette grande exposition, sur laquelle elle travaille depuis dix-huit mois, promet de refléter cette hybridation qui la définit, de faire la part belle aux puissances de l’imaginaire, de faire craquer les cadres de l’architecture et chanceler les idées reçues. Car c’est l’Afrique qui en sera la vedette. Dans le milieu si radicalement blanc qu’est celui de l’architecture, si structurellement dominé par la pensée occidentale, ce parti pris n’équivaut à rien de moins que renverser la table.

Il faut bien cela pour imaginer ce futur « décarboné et décolonisé » auquel aspire la commissaire. « Décarbonation et décolonisation sont les deux faces d’une même pièce, précise-t-elle. Le corps africain étant la première source d’énergie du monde, ces deux aspects sont totalement imbriqués. » La moitié des 90 installations a été commandée à de jeunes architectes issus d’Afrique du Sud, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Kenya, du Niger, du Nigeria, du Rwanda, de Tunisie… Un quart a été réalisé par des Africains de la diaspora, et le dernier quart par des non-Africains. L’effet sera du même ordre, gageons-le, que celui produit par ces planisphères conçus selon des points de vue autres qu’européens : déstabilisant et intellectuellement excitant.

« Un miroir inversé »

L’Afrique devrait s’y dévoiler telle que ses architectes, paysagistes, designers se la représentent. Manière d’acter la péremption de cette tendance disqualifiante de l’Europe à envisager le continent comme « un miroir inversé », à y voir « le reflet de tout ce qu’elle ne veut pas être elle-même – chaos, pauvreté, corruption »  Avec ce grand récit qu’elle nous a concocté, Lesley Lokko n’a pas cherché à idéaliser l’Afrique mais plutôt à la normaliser.

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L’enjeu, tel qu’elle le décrit, est de la faire entrer « dans la conversation globale, à égalité avec les autres ». Ceux qui attendent des réponses en seront pour leurs frais, prévient-elle. Ce n’est pas parce que le Nord global fait chaque jour un peu plus l’expérience de l’insécurité énergétique, de l’instabilité politique, des crises migratoires, de toute cette précarité dont l’Afrique souffre depuis longtemps, que l’exposition va fournir des solutions clés en main.

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