Depuis 2010, Yann Martin, ses proches et la légion de bénévoles qu’ils animent, ont pour ambition de faire connaître « de jeunes artistes représentatifs de la musique du XXIe siècle » en Bretagne. Jeunes et moins jeunes, au demeurant. Que l’ouverture de l’édition 2023 soit confiée à un artiste aussi constamment inattendu que John Scofield, guitariste pour guitaristes très tôt sélectionné par Miles Davis, a valeur de symbole et de projet.
Yann Martin multiplie les formules, tente des percées : cinq concerts gratuits, vendredi 3 mars, dans des bars et brasseries populaires de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), avec la complicité de musiciens de haut vol. Exercice risqué. C’est là qu’est la force de Jazz à l’Etage (L’Etage, lieu alternatif de Rennes, accueille aussi une partie du festival). Dans la manière dont de grands musiciens comme Laurent Courthaliac (pianiste, 50 ans, un des tout premiers « arrangeurs » de l’époque) jouent le jeu. Preuve par trois de cette philosophie de la promesse, le lendemain, samedi 4 mars, à La Grande Passerelle, à 16 heures : Robin Mansanti, trompettiste et chanteur, 34 ans, Gabriel Sauzay (contrebasse) et Laurent Courthaliac, fil conducteur du festival, désormais producteur.
Dans un espace conçu pour le passage, la médiathèque de Saint-Malo se révèle idéale pour trio intimiste. Courthaliac a mis en ondes le talent singulier de Mansanti. L’album, produit par son nouveau label LP3 45-Records (Courthaliac, Luigi Grasso et Yaron Herman, musiciens associés, plus Peter Schnur, mélomane et collectionneur), s’intitule Nuit américaine. Le concert, The Spirit of Chet Baker !
Si la proximité de Mansanti et du très mythique Chet (1929-1988) est indéniable, rien n’oblige à être aussi vulgaire qu’un bateleur de téloche pour parler de « réincarnation ». Encore faut-il être tenté par un effort de pensée. La proximité assumée de Mansanti avec Chet Baker n’est pensable qu’à la condition de rester vraiment soi-même. Sans compter qu’il n’a pas inventé la doctrine de l’« imitation », propre à toutes les grandes poétiques, et si caractéristique de l’ethos du musicien de jazz : se distinguer par choix et identification des influences voulues.
Pour Courthaliac ? « Duke Ellington, Monk, Barry Harris… Monk et Ellington n’ont pas fait école, ils sont école. Barry Harris, alter ego de Monk, j’ai travaillé huit ans avec lui. Monk est un pianiste de swing. Ce n’est pas le phrasé qu’il faut viser, mais l’angle : c’est une musique géométrique en tous ses aspects, rythmique, mélodique, harmonique… »
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