80ᵉ Mostra de Venise : à l’issue d’une édition en demi-teinte, Yorgos Lanthimos remporte le Lion d’or avec ses « Pauvres créatures »

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Des observateurs attentifs avaient prévenu : Yorgos Lanthimos ne repart jamais d’un festival sans avoir remporté un prix. Et cela se vérifie, de Canine, Prix Un Certain Regard à Cannes en 2009, à La Favorite, Grand Prix du Jury à Venise en 2018, en passant par The Lobster, Prix du Jury à Cannes en 2015… Cette fois, c’est la consécration. Samedi 9 septembre, à l’issue de la 80e édition de la Mostra de Venise, le réalisateur grec a reçu, à 50 ans, le Lion d’or pour son huitième long métrage, Poor Things (Pauvres Créatures), qui sortira en France le 17 janvier 2024.

Le jury présidé par Damien Chazelle a peut-être été séduit par l’imaginaire débordant de ce film de genre, adapté de l’ouvrage du même nom de l’écrivain écossais Alasdair Gray, publié en 1992. Bizarre comme un Lanthimos, Poor Things revisite plusieurs mythes (Pygmalion, Frankenstein…), à travers un prisme féministe et divertissant. L’héroïne, Bella, incarnée par Emma Stone (par ailleurs coproductrice du film), est une créature ramenée à la vie par un étrange docteur (Willem Dafoe). Bella était dans le ventre de sa mère lorsque celle-ci s’est suicidée. Le savant fou a incrusté le cerveau du bébé dans le corps de la mère…

A partir de là, Yorgos Lanthimos imagine le parcours d’une créature qui grandit dans un monde à part, dénué de barrières morales. Et pose cette question : si une femme pouvait mener sa vie comme bon lui semble, que ferait-elle ? Bella se fiche de tous les préjugés, vit mille aventures, adore le sexe. Emma Stone, qui avait reçu le prix d’interprétation à Venise ainsi que l’Oscar de la meilleure actrice pour La La Land (2016), d’un certain Damien Chazelle, livre une prestation étonnante, voire transgressive, dans ce film qui reste tout de même dans l’air du temps, et dont on peut regretter l’esthétique criarde.

Toujours est-il que Poor Things ne pouvait rêver meilleure mise en orbite en vue des prochains Oscar. Les autres œuvres primées vont pouvoir également se positionner sur la rampe de lancement. Dans un geste politique, le jury a distingué deux films sur la tragédie des migrants : l’Italien Matteo Garrone a reçu le Lion d’argent du meilleur réalisateur pour Io Capitano (Moi, capitaine), conte cruel qui suit le destin de deux jeunes Sénégalais décidant de tenter leur chance en Europe – le comédien principal, Seydou Sarr, s’est vu remettre le prix du meilleur jeune acteur.

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L’un des films les plus audacieux oublié

De son côté, la Polonaise Agnieszka Holland a décroché le prix spécial du jury pour son film choc, en noir et blanc, Green Border : une fiction documentée qui suit le drame d’une famille syrienne piégée à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie. En prenant le temps du portrait (un garde-frontière biélorusse, une femme qui bascule dans l’activisme), la réalisatrice dresse un tableau précis, implacable, du cynisme politique, de ses effets dévastateurs chez les gardes-frontières, tout en auscultant leur possible rébellion et humanité. Sur X, anciennement Twitter, le ministre polonais de la justice, Zbigniew Ziobro, a réagi en comparant Green Border à de la propagande nazie, comme du temps où « les Allemands, durant le IIIe Reich, produisaient des films de propagande montrant les Polonais comme des bandits et des meurtriers ». Le prix spécial du jury sonne aussi comme un soutien à la cinéaste, laquelle envisage d’attaquer en justice le ministre.

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