« 30 jours pour trouver un mari », le plaisir de dire et d’écrire au cœur du nouveau roman de Fouad Laroui

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Avec son titre qui laisse poindre d’emblée la fantaisie et l’ironie, le nouveau livre de Fouad Laroui, 30 jours pour trouver un mari, annonce la couleur : le plaisir sera au cœur de ce nouvel opus. Plaisir de dire pour les personnages du livre, des amis installés à la table d’un café et qui, chacun à son tour, racontent une histoire.

« Nous étions au Café de l’Univers, par un dimanche de printemps, alanguis, oisifs. Par désœuvrement, nous étions convenus de raconter chacun, à tour de rôle, une histoire remarquable puis d’en tirer une morale, une leçon – ou même plusieurs. »

Plaisir de lire, bien sûr, pour celles et ceux qui, découvrant les propos de ces beaux parleurs depuis leurs fauteuils de lecteurs, sont en quelque sorte invités à rejoindre leur cercle. Plaisir d’écrire pour l’auteur, qui s’est manifestement beaucoup amusé à mettre tous ses protagonistes en présence et à élaborer des textes où la forme ne le cède en rien au fond, autrement dit où le style et le choix des mots ont au moins autant d’importance que le sens et la profondeur des idées exprimées.

Entre roman, nouvelles et contes

Composé de récits distincts mais reliés par les commentaires et réflexions des personnages, 30 jours pour trouver un mari tient tout à la fois du roman, du recueil de nouvelles et du livre de contes.

Le premier texte donne son titre à l’ensemble et offre un aperçu de l’intention générale. On y suit Khaoula, bibliothécaire marocaine qui veut profiter d’un voyage de formation à Paris pour dénicher au plus vite un riche Américain susceptible de lui passer la bague au doigt et de l’emmener vivre au loin. Plutôt que d’attendre une faveur du destin, la jeune femme force le hasard en commençant par « aller traîner ses escarpins du côté de l’ambassade des Etats-Unis ». Une fois repéré l’élu potentiel, elle se débrouille pour faire sa connaissance autour d’un verre dans le bar le plus proche :

« Et le reste, mes amis, appartient à l’histoire, la minuscule : Khaoula est aujourd’hui citoyenne américaine […] Le fait est qu’elle avait atteint son objectif ; et en moins de trente jours. Chapeau bas. »

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Proposant à son tour une histoire comparable, un second narrateur rapporte le parcours de sa cousine entrepreneuse, Najlaa, qui, prenant un jour conscience de la vacuité de sa vie privée, se met à planifier son mariage en stratège. Après un premier fiancé évincé pour infidélité, la jeune femme recourt à des calculs mathématiques pour sélectionner le meilleur parti possible. Et le narrateur de conclure :

« Le lendemain, elle prenait un café avec Ayman, le numéro 2 du classement algorithmique. Elle lui posa quelques petits pièges dans lesquels il ne tomba pas […] Ayman et Najlaa forment aujourd’hui un couple bien marié. Ils se promènent main dans la main sur la plage d’Aïn Diab, ils choisissent leurs rideaux ensemble et vont passer le week-end à Dakhla ou dans l’Atlas. »

« Marre de la philosophie ! Racontons des histoires amusantes ! », lance l’un des personnages.

On croisera encore, au fil du recueil, un piètre commercial impressionné par ses acheteurs chinois, un marionnettiste leurré par ses propres histoires, une voleuse de fleurs engluée dans ses mensonges, un cambrioleur sous l’emprise de la drogue, une automobiliste qui rencontre l’amour après une erreur de conduite, un homme foudroyé d’amour par une œillade unique et un autre qui s’acharne à refuser son destin… L’humour est manifeste : « Marre de la philosophie ! Racontons des histoires amusantes ! », lance l’un des personnages.

Des femmes émancipées et volontaires

Déjà auteur d’une trentaine d’ouvrages, Fouad Laroui propose ici une série d’histoires aussi originales qu’inattendues, que l’on appréciera pour elles-mêmes, même si leur morale – « les athées sont des femmes comme les autres », par exemple laisse parfois perplexe. Mais sous la plume pleine de verve de l’écrivain, les femmes, précisément, s’avèrent toutes émancipées et volontaires, capables de prendre en main leur propre destin sans trop se soucier du regard ou du jugement d’autrui. Pour mettre en scène ces héroïnes trop modernes pour être totalement probables, l’écrivain se libère à son tour de la véracité en adoptant un style de narration où langage choisi, mots rares, expressions précieuses finissent par créer un effet de théâtralité jubilatoire :

« Sapristi ! Nom d’un chien ! Sacrebleu ! Celle-là, je ne m’y attendais pas ! C’était vraiment son père ? La réalité dépasse l’affliction. »

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Le monde et son actualité se retrouvent ainsi à la marge de ce livre détonnant qui peut se comprendre comme une illustration de la liberté d’expression elle-même, un clin d’œil à une forme d’écriture et de partage de la parole à l’ancienne. Une parole que l’on prend le temps d’exprimer, d’écouter, de commenter, de méditer. Un langage qui, contrairement à celui qui foisonne aujourd’hui, sait exprimer la nuance et la subtilité.

30 jours pour trouver un mari, de Fouad Laroui, éd. Mialet-Barrault, 192 pages, 19 euros.

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