ARTE – MARDI 28 FÉVRIER À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE
Le projet est ambitieux : raconter 1942, année charnière du second conflit mondial, non pas à travers l’aspect politique ou militaire, mais en s’appuyant sur les films amateurs, les lettres, les journaux intimes de celles et ceux qui subirent la guerre. Des documents dénichés de Berlin à Singapour, de Tokyo à Rio, de Prague à Waterloo (Iowa, aux Etats-Unis). Entre ces archives filmées et sonores mises en perspective par la voix grave d’Anna Mouglalis s’intercalent des séquences animées signées Sophie Racine.
Le projet des réalisateurs Véronique Lagoarde-Ségot et Marc Ball était donc ambitieux : six épisodes d’un peu moins d’une heure chacun, pour évoquer la guerre au quotidien, le plus souvent loin du front. Cela permet de rappeler que, en temps de guerre, on continue à aimer, à s’engueuler, à s’amuser.
Utiliser des récits de civils pour bâtir un documentaire et raconter la guerre au quotidien n’est pas nouveau. On se rappelle, notamment, de Vivre dans l’Allemagne en guerre (2020), de Jérôme Prieur, basé sur des lettres de couples, pour décrire le quotidien des Allemands entre 1933 et 1945.
Eclairage inédit
Concernant cette série documentaire consacrée à 1942 et diffusée deux soirées de suite (mardi 28 février, mercredi 1er mars), à raison de trois épisodes par soirée, la diversité sociale, culturelle et générationnelle des témoins est à la fois une richesse et un frein.
Richesse parce que les témoignages d’une ouvrière américaine dans une usine d’armement, d’un jeune Chinois pris au piège des Japonais à Singapour ou d’une ménagère anglaise qui, à travers ses journaux intimes, révèle sa lassitude et ses doutes sur la victoire après deux ans de bombardements, apportent un éclairage inédit sur la guerre. Un frein parce que, en multipliant les points de vue, passant en quelques minutes d’un continent à l’autre, d’un témoignage de civil à l’arrière à celui d’un soldat au front, d’une problématique banale (l’adultère, l’ennui) à une thématique plus guerrière, on perd un peu le fil de cette année 1942.
A l’issue des plus de cinq heures, certains témoignages ressortent évidemment du lot. On retiendra celui de Peggy, jeune Américaine qui, avec la guerre, trouve enfin de quoi gagner sa vie : « J’ai trouvé un job dans une usine de munitions. On se fait 32 dollars par semaine, c’est un vrai miracle ! »
La guerre, une opportunité ? Pour Ursula, allemande de 12 ans, « les victoires changent nos vies ! Je veux devenir une épouse et une mère héroïque ». Son compatriote Hanno, commandant de sous-marin naviguant dans l’Atlantique, vit la guerre à sa façon : « Cela fait quarante jours que je n’ai pas lancé une torpille. Si je rentre bredouille, c’en est fini de ma carrière », écrit celui qui a déjà coulé dix navires dans le golfe du Mexique.
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Mais pour être décoré, il lui en faut plus. Quelques jours plus tard, au large du Brésil, son sous-marin coulera deux navires de passagers, faisant des centaines de pertes civiles. Conséquence ? Face à une opinion publique ulcérée, le Brésil se lance dans la guerre contre l’Allemagne le 22 août 1942.
Ouvrant le documentaire, Lilly, mère modèle allemande, raconte sa soirée de réveillon tumultueuse : « Dispute politique entre mon père et mon mari, reproches sur l’éducation des enfants. » C’est cette même Lilly qui ferme le long chapitre, le 31 décembre 1942. Elle est heureuse, elle est tombée amoureuse… d’une femme.
1942, un monde en guerre, documentaire de Véronique Lagoarde-Ségot et Marc Ball (Fr., 2022, 6 × 55 min). Sur Arte.tv jusqu’au 26 octobre.