dimanche, septembre 22

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Nous, enseignants, artisans, entrepreneurs de savoir-faire, chercheurs, médecins, spécialistes de l’enfance et acteurs du monde éducatif, aux côtés des deux cents associations, fondations et institutions culturelles signataires du manifeste lancé par l’association De l’or dans les mains en juin, appelons de toutes nos forces le gouvernement à réintégrer la pratique artisanale au collège.

La suppression de l’enseignement de la technologie en classe de 6e à la rentrée 2023 témoigne de la tendance structurelle à réduire la possibilité pour les élèves d’apprendre de leurs mains. Pourtant, nous en sommes convaincus, l’apprentissage par la matière doit être un des fondements de l’éducation du XXIe siècle. Car, dans un contexte de transition écologique et sociale, impliquant un changement de paradigme dans nos façons de produire, de consommer et d’habiter les territoires, les métiers de demain seront les métiers de main. Il est donc urgent d’adapter nos modèles éducatifs et de doter la jeune génération d’une véritable culture matérielle.

Notre système éducatif, une fois le primaire passé, privilégie la transmission des savoirs théoriques au détriment des apprentissages pratiques. Or, détacher la main de la tête prive d’une expérience sensible du monde : les élèves sont amputés de leur capacité de mouvement et de leur sensorialité, avec des conséquences dramatiques sur leur motricité fine. Apprendre par le corps en mouvement est pourtant indispensable pour stimuler la pensée. En passant par la matière, les concepts deviennent concrets : la fabrication d’une table mobilise ainsi des compétences en mathématiques, en sciences mais aussi en histoire et en géographie.

Cultiver une écologie de l’attention

Nous devons systématiser l’apprentissage par la matière dans toutes les disciplines afin de recoudre ensemble savoir-faire théorique et expérience pratique, et permettre aux jeunes de développer leurs fonctions exécutives et la conscience unifiée de leur intelligence – dont la main et la pensée sont les deux faces d’une même pièce qui fait notre humanité, selon l’anthropologue André Leroi-Gourhan.

Notre système éducatif doit aussi prendre la mesure de la menace que représente la consommation des médias sociaux par les jeunes – près de six à huit heures par jour : leur permettre de distinguer le réel du virtuel est aujourd’hui un enjeu de santé publique. Or le travail manuel convoque les enfants à l’endroit du réel et leur permet de cultiver une véritable écologie de l’attention face à l’attraction des écrans, qui nuit à leur concentration et à leur faculté de discernement.

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