mardi, décembre 9

« Je suis brûlée à l’intérieur »: Asma*, victime d’une tentative d’immolation en 2021 à Nice, a livré mardi le récit glaçant de l’attaque et de ses conséquences devant la cour d’assises d’appel du Var où son ex-mari risque la réclusion à perpétuité.

Elle a 42 ans, le visage rond enserré dans un voile noir, un pull marron et un pantalon noir, un gant de contention à la main gauche. Elle s’exprime en arabe, d’une voix douce mais décidée, assistée d’un interprète, s’interrompant parfois pour verser une larme ou reprendre son souffle.

Elle a tenu à montrer à la cour des photos d’elle « avant », jeune femme aux longs cheveux noirs, maquillée et souriante, posant à côté de Nabil, un cousin éloigné de cinq ans son cadet, cuisinier à Nice, visiblement radieux.

C’était un mariage arrangé entre cousins éloignés, que l’un comme l’autre était libre de refuser, assure-t-elle. Elle vivait avec sa famille en Tunisie, travaillait dans une usine de fabrication d’aiguilles médicales et était heureuse. Mais Nabil lui a plu. Et puis, il vivait en France.

Après quelques mois d’attente, elle obtient son visa pour le rejoindre en mai 2021. Mais elle a vite déchanté, violemment prise en grippe par sa belle-mère et ses belles-soeurs.

Et Nabil « n’était plus la même personne qu’en Tunisie ». Il buvait tous les jours, rentrait très tard du travail, se montrait agressif et insultant, ne s’intéressait à elle qu’au lit et laissait sa mère la traiter « comme une bonne ».

Mais elle n’envisage pas de partir: « Je voulais que ce mariage réussisse (…). Je voulais avoir des enfants, fonder un foyer ».

Le soir du 13 août 2021, une nouvelle dispute a éclaté au sein du couple au retour de la plage. Nabil l’a menacée avec un couteau, puis quand elle est allée boire un verre d’eau à la cuisine, il a versé un liquide sur elle. A proximité de la gazinière, tout s’est enflammé et elle s’est enfuie dans les escaliers de l’immeuble.

– « Une mort-vivante » –

« C’est une brûlure que personne ne peut imaginer », a-t-elle raconté. Les jurés ont pu écouter l’enregistrement d’un appel à la police: sur fond des cris de douleur d’Asma, une voisine décrit une femme en feu, poursuivie par son mari armé d’un couteau.

Asma n’a que des souvenirs confus: « Je criais, je criais. En bas il y avait beaucoup de monde. J’étais toute nue. Des gens ont enlevé leur foulard pour essayer de me couvrir. Je leur criais de verser de l’eau sur moi ».

Transportée par hélicoptère au service des grands brûlés de Marseille, elle a passé plusieurs semaines dans le coma, avant des mois d’hospitalisation puis de rééducation.

« J’aurais voulu mourir », a-t-elle témoigné. « Ce que j’aimais en moi c’était mon corps, mes cheveux ». Si son visage est épargné, son corps est brûlé à 29%, dans le dos et sur le côté gauche. Les oreilles sont brûlées, la tête couverte de plaques. « Je me gratte tout le temps, je dors avec des médicaments, je souris avec des médicaments ».

« Partout dans le monde, des gens rêvent de venir en France. Mais je n’ai vu de la France que les hôpitaux, les salles d’opération, les kinés, les assistantes sociales. Je suis une morte-vivante ».

« Quand je suis habillée, les gens qui me voient pensent que je vais bien alors qu’à l’intérieur, je suis brûlée », a-t-elle expliqué. Et depuis quatre ans, elle est « habitée par la peur » que son ex-belle-famille vienne l’achever.

Condamné à la perpétuité lors du premier procès en décembre 2024 devant les assises des Alpes-Maritimes, Nabil a toujours contesté les faits, assurant que sa femme était insatisfaite de leur mariage et qu’elle avait fait une tentative de suicide par immolation, alors qu’il était parti en voiture après la dispute.

Mais son téléphone bornait dans le quartier au moment des faits et un expert a témoigné que les zones du corps touchées étaient incompatibles avec une auto-immolation. Le verdict est attendu vendredi.

(*prénom d’emprunt)

fcc/so/hj

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