jeudi, novembre 28

« Pour le quotidien du malade, il n’y a personne », dit à l’AFP Fabrice Rodenburger, épuisé par un an de « combat permanent » pour que son père, atteint d’un cancer du poumon fulgurant, soit diagnostiqué et accompagné, dénonçant des inégalités de prise en charge.

« Quand papa était en souffrance à la maison, qu’il vomissait et avait du mal à respirer, j’appelais le Samu à partir de 20 heures. En un an, j’ai dû téléphoner 5 ou 6 fois pour qu’un médecin vienne le voir le soir », se remémore-t-il.

Recueilli par la Ligue contre le cancer, son témoignage va nourrir un Manifeste qui alertera début 2025, sur des lacunes dans la prise en charge des patients: restes à charge et difficultés financières, délais d’accès aux soins, déficit d’accompagnement.

Les Etats généraux des malades atteints du cancer organisés par la Ligue en 1998 avaient été suivis par trois Plans cancer successifs et une stratégie décennale de lutte (2021-2030).

A l’été 2022, Jean-Claude Rodenburger, 77 ans, qui vit dans un village près de Sens (Yonne), est admis aux urgences pour un épanchement pleural et ressort après un scanner et des paroles rassurantes, avec un traitement antibiotique. Mais le voyant s’affaiblir et perdre 20 kgs en un mois, son fils se démène « pour trouver un pneumologue ».

« Impossible: les deux spécialistes de Sens ne prenaient pas de nouveaux patients, à l’hôpital il n’y en avait pas ». Fabrice, qui vit à 120 kms de chez ses parents, conduit son père « à un rendez-vous pris à Auxerre, à 60 kms » de chez lui.

« Véritable bombe de la démographie médicale à brève échéance », l’Yonne compte près de 4 médecins seniors pour un jeune médecin, selon l’Atlas de la démographie médicale publié par l’Ordre des médecins.

Annoncé « sans ménagement », le diagnostic du cancer du poumon tombe au bout de deux mois: Fabrice tente alors d’obtenir que la chimiothérapie de son père ait lieu plus près de chez lui. Il « se sent laissé à l’abandon » avant d’être aidé par un médecin du service de réanimation.

« Du jour au lendemain », il doit organiser chez lui les soins de son père. « Vous récupérez un papa alité en permanence, qui ne marche plus, a besoin d’être tenu assis pour la douche. J’ai demandé désespérément une hospitalisation à domicile » – il l’obtiendra un mois seulement avant la mort de son père, traité par chimiothérapie à Châlons-en-Champagne.

Selon un sondage Ipsos pour la Ligue contre le cancer publié jeudi, plus d’un patient sur quatre (28%) a déjà subi des interruptions de traitement en raison d’une indisponibilité de professionnels de santé ou de médicaments.

Dans un récent rapport, l’Académie nationale de médecine alerte sur des inégalités territoriales « tout au long du parcours de soins » en cancérologie et préconise « une politique active de prévention » pour les patients guéris mais à haut risque de complications et de décès précoce.

– « Pécule de côté » –

S’il est « tombé sur certains soignants formidables », Fabrice Rodenburger déplore que l’aidant doive « jeter toutes ses forces dans la bataille pour chercher et coordonner des soins » afin d’apaiser un « proche en souffrance permanente ».

Au terme d’une année de « chemin de croix », il a fait un burn-out.

Autre facteur d’inégalités dans la prise en charge des personnes atteintes d’un cancer: le non-remboursement des soins d’accompagnement: conseils diététiques, activités physiques adaptées, soutien psychologique, soins d’hygiène et d’esthétique…

« D’un point de vue financier, il faut avoir un pécule de côté », résume Aurélie Gil, 48 ans, éducatrice en protection de l’enfance à Belfort, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2020.

« Dès le début de la maladie, on a besoin de plein de choses qui ne sont pas remboursées: des crèmes contre la sécheresse vaginale, un vernis pour que les ongles ne tombent pas pendant la chimio, un suivi psy… », énumère-elle.

Pour sa reconstruction mammaire, elle s’est résolue à souscrire, afin de financer les dépassements d’honoraires, un prêt à la consommation de 2.000 euros.

Les cancers restent la première cause de mortalité prématurée en France chez les hommes, la deuxième chez les femmes, et leur fréquence a doublé en une trentaine d’années, avec plus de 433.000 nouveaux cas en métropole en 2023.

ref/ito/dch

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