dimanche, mai 19
Image extraite du documentaire « Des blouses pas si blanches », de Marie Portolano et Grégoire Huet.

M6 – DIMANCHE 5 MAI À 23 H 10 – DOCUMENTAIRE

Quand Agnès Buzyn raconte sa nomination comme « professeur des universités-praticien hospitalier » (PU-PH), en 2003, dans un hôpital qui compte 11 % de femmes à ce poste, le choc est violent : « Du jour au lendemain (…), le fait d’avoir un titre les [a] rend[us] fous furieux », raconte-t-elle. Quatre années de harcèlement vont s’ensuivre, et avoir raison de sa vocation : « J’ai cru que j’allais mourir », décrit l’hématologue, qui finit par quitter l’hôpital parisien Necker.

L’ancienne ministre de la santé n’est que l’une des voix – la plus connue – parmi celles qui s’élèvent dans l’enquête coréalisée par Marie Portolano et Grégoire Huet sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu hospitalier. Des violences revenues sur le devant de la scène ces derniers jours, depuis les accusations de l’infectiologue Karine Lacombe à l’encontre du médiatique urgentiste Patrick Pelloux – démenties par ce dernier, qui admet cependant qu’il a pu avoir été « grivois » dans le passé – et les témoignages apposés derrière le mot-clé #metoohopital sur les réseaux sociaux.

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« Les langues se sont déliées », et « l’omerta commence à se fissurer », décrit la voix off du documentaire, reprenant quelques classiques du genre – caméra cachée ; témoignages chocs. En face, des chiffres viennent confirmer la lenteur de l’évolution : les postes de pouvoir à l’hôpital, comme ceux de PU-PH, sont occupés à 70 % par des hommes, en 2022, quand les femmes médecins représentent 54 % des praticiens hospitaliers.

« Rite de passage »

Le tableau dressé, alignant les paroles d’infirmières, de médecins, d’étudiantes, d’aides-soignantes… place côte à côte des violences allant de la « simple » remarque sexiste, jusqu’à l’agression et au viol. Une démarche sans doute inhérente à l’étude du phénomène.

Ce sont les paroles d’une infirmière qui, après le harcèlement et l’agression d’un médecin anesthésiste à Dourdan (Essonne), n’a reçu qu’un faible soutien de son établissement. Ces carrières de praticienne bloquées ou annihilées par ce « point noir » de la maternité. Ou encore cette patiente qui, après avoir accusé un radiologue de viol, va attendre des années avant que sa parole et celle d’autres patientes soient prises en compte.

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Chez les jeunes médecins, le récit est glaçant. Quand une interne en pédiatrie, à visage découvert, décrit dans le détail le « rite de passage » par lequel elle est passée afin de devenir présidente d’association durant ses études de médecine – mêlant humiliations, agressions et viols – qu’elle a, à son tour, fait subir aux suivants. « C’est terrible, quand on a été victime, on devient bourreau… comment je peux être légitime de parler en tant que victime, alors que moi-même je l’ai fait ? », conclut la jeune femme, montrant toute la difficulté à parler.

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Difficile d’entendre sans un sentiment anachronique, voire absurde, les rares défenseurs de la « culture carabine » [celle des étudiants en médecine], de l’esprit « potache » ou de ce « deuxième ou troisième degré » jugés « nécessaires » dans un milieu confronté à la maladie et à la mort.

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A travers ces témoignages émerge finalement un continuum de violence dans le monde médical, avec une forme de statu quo. « Qu’il y ait des connards misogynes, bon… mais pourquoi personne ne dit rien ? », interroge une médecin, qui a raccroché la blouse. Un temps révolu ?

Des blouses pas si blanches, de Marie Portolano et Grégoire Huet (Fr., 2024, 90 min).

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