Il connaît ses chansons par cœur. Dans les couloirs de l’Elysée, il n’est pas rare de l’entendre chauffer sa voix avant un discours en entonnant « Toi, Vladimir Ilitch, t’as raison, tu rigoles… » Ce mardi 15 octobre, le voici face à son idole, ému comme un enfant. Emmanuel Macron remet à Michel Sardou les insignes de grand officier de l’ordre national du Mérite. Dans le salon des Ambassadeurs, un petit cercle d’intimes se presse autour du chanteur de 77 ans, qui vient de clore sa tournée d’adieu. Huit invités, dont le couple présidentiel, l’acteur Jean-Paul Rouve et le conseiller mémoire du président, l’ancien journaliste d’Antenne 2 Bruno Roger-Petit, qui lui a consacré un documentaire en 1998.
« Ce que vous exprimez, ce ne sont pas vos pensées personnelles, ce sont celles d’un éternel Français », lance Emmanuel Macron à l’artiste qui chante depuis les années 1970 « le temps béni des colonies » ou « j’ai envie de violer les femmes, de les forcer à m’admirer ».
Encore une fois, le président a choisi d’ignorer l’indignation des militantes féministes, qui reprochent à l’interprète de véhiculer des clichés racistes et sexistes. Mais dans le petit boys’ club de l’Elysée, Michel Sardou, présenté comme un « personnage houellebecquien », est vénéré. Le président poursuit, comme s’il parlait de lui : « Vous empoignez la France dans sa totalité, avec ses contradictions, vous accompagnez nos vies dans leur complexité. Vous déjouez toutes les étiquettes, toutes les affiliations droite-gauche, vous qui prêtez votre voix à la majorité silencieuse. »
Un chanteur populaire qui tire sa révérence et un président démonétisé qui voit la fin approcher : quelle affiche singulière, six mois après la dissolution ratée de l’Assemblée nationale. Mais ce soir-là, dans le palais à demi vide, on savoure ce moment d’insouciance, loin du brouhaha de la crise politique qui tourmente le pays. Emmanuel Macron se délecte des anecdotes distillées par « Michel » qui, un verre à la main, raconte son premier Olympia. Se souvient-il, en cet instant, que son ami, l’ex-député Renaissance Patrick Vignal, emporté par la dissolution, l’avait décrit cet été comme « un artiste passé de mode » ? « C’était con, ta phrase. Fais démentir », l’avait aussitôt réprimandé le président.
La plaie de la dissolution
Depuis la désastreuse dissolution, qui lui a fait perdre une centaine de députés, Emmanuel Macron ne supporte plus les critiques auxquelles il a déjà tant répondu. Et s’étonne encore d’être incompris. « De qui parles-tu ? », presse-t-il quand un ami lui fait remonter les reproches d’un élu de son parti. « Ça m’intéresse, les noms, car j’ai déjà traité une quarantaine de députés et je pense avoir retourné tout le monde en douceur », écrit-il à son interlocuteur, persuadé qu’avoir convié à déjeuner les députés par petits groupes, comme il le fait depuis l’été, suffit à les reconquérir.
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