Le défi collectif « 10 jours sans écrans » a été lancé ce mardi dans des centaines de crèches, écoles, collèges et lycées de l’Hexagone.
Cette initiative pédagogique est organisée chaque année pour sensibiliser les enfants, adolescents et leurs familles à l’usage raisonné des écrans.
La cofondatrice du collectif « Surexposition écrans » détaille pour TF1info, les bénéfices directs qu’il est possible d’en tirer à court et plus long terme.
Des milliers d’enfants et leurs familles sont mis au défi de se passer d’écran, à compter du 13 mai. Venue du Québec, cette initiative s’adresse aussi bien aux écoles, collèges et lycées qu’aux crèches, suggérant aux jeunes concernés ainsi qu’à leurs parents et leurs enseignants des astuces et activités pour ne pas utiliser leur smartphone, tablette, console et autres écrans de loisirs jusqu’au 22 mai.
Pour rappel, fin avril, cinq sociétés savantes ont appelé à interdire les écrans aux moins de 6 ans, tandis que le gouvernement souhaite interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Si l’accent est souvent mis sur les dangers d’une surexposition aux écrans pour la santé des enfants, le défi collectif « 10 jours sans écrans » est, de l’avis des experts, l’occasion de porter l’attention sur les bénéfices d’un quotidien rythmé par une exposition moindre, voire nulle aux écrans. S’observent-ils rapidement après le « sevrage » ? Comment se manifestent-ils ? Anne-Lise Ducanda, médecin de la protection infantile, cofondatrice du Collectif surexposition écrans et auteure du livre « Les tout-petits face aux écrans : Comment les protéger », livre son éclairage à TF1info.
Pouvez-vous nous rappeler la philosophie de ce défi et son intérêt pour les plus jeunes ?
L’intérêt du « 10 jours sans écrans » n’est pas que pour les enfants, car l’exposition aux écrans est un problème familial qui doit être traité familialement. Quand je reçois un jeune concerné par la surexposition en consultation, je le reçois avec ses frères et sœurs et ses parents. Donc ce défi, vraiment, c’est l’occasion pour toute la famille et notamment les parents de s’interroger sur leur propre temps d’écran.
Plus les parents vont être connectés, plus les enfants vont l’être
Plus les parents vont être connectés, plus les enfants vont l’être
Anne-Lise Ducanda
Pour vous donner une idée, aujourd’hui, un adulte passe 5 à 7 heures par jours en dehors du temps de travail sur les écrans, donc plus les parents vont être connectés, plus les enfants vont l’être. Et derrière tout cela en fait, c’est une affaire de disponibilité. Il y a de moins en moins de temps en famille parce qu’il y a de moins en moins de temps disponible à cause des écrans, quand les parents sont disponibles, les enfants sont sur les écrans, et vice versa. On voit bien que quand on laisse le choix aux enfants, la plupart du temps, ils vont se tourner vers les écrans. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est du plaisir sans effort. Donc l’idée de ce défi, c’est de redonner le goût de l’effort autant intellectuel et scolaire que physique. Tout simplement, en offrant le luxe aux enfants de se réapproprier du temps de qualité en famille, d’avoir de vraies activités avec des amis, de lire un livre, de jouer, de participer aux tâches familiales et même de s’ennuyer, car c’est extrêmement profitable pour le cerveau.
On comprend bien l’objectif recherché, pouvez-vous dire en revanche s’il est possible d’observer de premiers effets de ce « sevrage » dans ce délai de 10 jours ?
Oui, c’est le cas, même si l’idée première reste de sensibiliser et d’initier de nouvelles habitudes. Ces effets du sevrage vont varier en intensité et en rapidité bien sûr en fonction du degré d’exposition, de l’âge de l’enfant, etc, Mais je le vois clairement en consultation, le bénéfice du sevrage peut être direct à court terme et à long terme. À court terme, ce qu’on entend le plus souvent, c’est que toute l’ambiance familiale s’est améliorée, car ça permet aux familles de démarrer de nouvelles habitudes et de retrouver des moments de qualité et des contacts sans agressivité. Des enfants vont me dire par exemple : ‘J’ai enfin pu passer du temps avec mon frère’, ‘jouer à un jeu de société’, ‘faire du jardinage’. À moyen terme, des parents observent aussi que l’enfant se concentre plus, qu’il est plus posé, plus calme.
Ce qu’il faut rappeler au sujet de cette irritabilité ou cette agressivité attribuée à la surexposition aux écrans, c’est qu’elle est liée à l’addiction en elle-même, mais aussi aux contenus qui trop souvent éloignent l’enfant de tout ce qui est bon pour lui. Les adolescents notamment vont regarder, ce qui entraine l’adrénaline, l’excitation, c’est-à-dire de plus en plus de contenus ultra-violents ou sexuels. S’ils regardent deux ou trois accidents de voiture, la plateforme va leur en proposer encore plus donc il faut les libérer de ça au profit de temps de famille bien plus profitables à leur développement psychiques.
Comment compenser ce manque d’écran chez ceux qui y sont le plus habitués ?
Ce qui intéressant et stimulant pour les enfants dans ce défi, c’est que toute la classe y participe, ensuite, il faut embarquer les familles dans cette nouvelle dynamique pour que les efforts portent leurs fruits. Je conseille souvent de programmer des « temps famille » avec des listes à idées de tout ce qu’on peut faire sans écrans, notamment le week-end.
Il peut y avoir des réactions de violence ou d’agressivité à l’arrêt, mais surtout, il ne faut pas lâcher. C’est normal, c’est comme une drogue, c’est addictif et ce n’est pas pour rien que l’on parle de sevrage. Au bout du moment, l’enfant va mieux gérer ce manque.