POLITIQUE – « Autoroute vers la dissolution », « le compte n’y est pas »… L’interview de Sébastien Lecornu, dans Le Parisien ce vendredi 26 septembre a donné lieu à une pluie de réactions amères à gauche. Dans ce long entretien, l’Eurois qui s’est muré dans un quasi-silence depuis son arrivée à Matignon abat pour la première fois ses premières cartes budgétaires.
Il n’est pas question d’instaurer une taxe Zucman parce qu’elle reviendrait à « taxer le patrimoine professionnel, et plus particulièrement l’outil de travail », ni de relancer l’impôt sur la fortune, ou de suspendre la réforme des retraites.
Budget : Sébastien Lecornu sous pression après le « compte à rebours » lancé par Pierre Moscovici
Le Premier ministre assure toutefois avoir entendu la demande d’une meilleure justice fiscale des Français. « Est-ce qu’en revanche la répartition de la charge au sein des impôts actuels doit évoluer ? De toute évidence, oui (….). Je ferai donc une proposition de budget dans laquelle certains impôts augmenteront, mais d’autres diminueront », promet Sébastien Lecornu, tout en se disant favorables à une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Pas question donc pour le moment de toucher aux grands totems budgétaires du bloc central.
Quand bien même le Premier ministre insiste sur la dimension parlementaire de l’exercice du budget, tout en promettant que la copie qu’il remettra « tiendra compte » de ses discussions avec la gauche et les syndicats, pour ces derniers le compte n’y est pas. Nombreuses sont les réactions qui cinglent la promesse de « rupture » de Sébastien Lecornu. Or le 10 septembre lors de la passation de pouvoir avec François Bayrou, il avait lancé : « Il va falloir des ruptures, et pas que sur la forme, pas que dans la méthode, des ruptures aussi sur le fond »
Sébastien Lecornu « prépare activement sa censure »
« Lecornu a le mérite de la clarté et de la fidélité. Clairement de droite. Fidèle à Emmanuel Macron » , déplore sur X l’élu Génération.s Benjamin Lucas, quand l’eurodéputé Place Publique, François Kalfon cingle des annonces qui ont tout d’une « autoroute vers la dissolution ». Pour la patronne des Verts, Marine Tondelier l’ancien ministre des Armées « prépare activement sa censure ».
Olivier Faure aussi se faisait menaçant dans la soirée sur TF1 : « Sébastien Lecornu avait promis la “rupture”, il faut aujourd’hui le choix du “jusqu’au-boutisme” », a tempêté le premier secrétaire du Parti socialiste dénonçant au passage une « obstination à refuser tout compromis » qualifiée de « déraisonnable ». Pour les syndicats, déjà déçus après leur déplacement à Matignon mercredi, ces premières pistes ne sont pas non plus satisfaisantes. « Il est dans la rupture et il ne rompt sur rien », a notamment regretté François Hommeril de la CFE-CGC.
Alors que les socialistes doivent à nouveau rencontrer le Premier ministre, les élus du RN se font également menaçants. Si les députés lepénistes se décideront « dans quelques jours ou semaines » sur la censure, en attendant pour l’élu du Loiret, Thomas Ménagé, Sébastien Lecornu « fonce droit dans le mur » : « On a un Premier ministre qui avait promis (…) une rupture et il vient dans cette interview dire qu’il ne changera rien. »
« Il y a un certain nombre d’intentions qui sont exprimées, mais si ces intentions débouchent sur des mesures qui sont anecdotiques ou dérisoires, qui ne sont pas à la mesure de ce qui est nécessaire pour rétablir la stabilité budgétaire du pays, alors ça n’ira pas », a pour sa part déclaré samedi à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) Marine Le Pen. « Moi, j’attends le discours de politique générale », a-t-elle dit, jugeant « extrêmement floue » l’interview de Sébastien Lecornu.
Une rupture de méthode pour les macronistes
Chez les macronistes, on se défend en pointant le changement de « méthode », et les prochains rounds de consultations. Invité de franceinfo, ce samedi matin, le député EPR Mathieu Lefèvre estime que Sébastien Lecornu veut remettre les parlementaires au centre du jeu politique. « Il dit “travailler, bosser, faites des amendements, vos propositions” (…). C’est une rupture qui me semble fondamentale », veut croire le vice-président du groupe macroniste à l’Assemblée tout en insistant sur la contrition de son camp politique. « Ce budget doit être abordé avec beaucoup d’humilité. C’est difficile. Nous, on n’a pas tout bien fait. On doit faire amende honorable, et on doit entrer en discussion en disant que les autres aussi peuvent avoir raison », a-t-il ajouté.
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher a, elle, renvoyé les socialistes à leur propre capacité de compromis. « Il faut qu’ils aillent trouver une majorité qui peut se construire avec le bloc central (…) On est prêt à travailler sur plus de justice fiscale », a-t-elle insisté, assurant que toutes les portes n’étaient pas « fermées ». Pas sûr que cela soit suffisant pour convaincre les roses qui en l’état appellent le Premier ministre à « se ressaisir ».
Au procès du chantage à la sextape à Saint-Étienne, Gilles Artigues témoigne du « cauchemar » qu’il a traversé
Sébastien Lecornu fixe une échéance pour la nomination de son gouvernement




