dimanche, janvier 5

Agnes Keleti est décédée jeudi à l’âge de 103 ans.
La gymnaste était la plus ancienne championne olympique au monde.
Au-delà de sa carrière sportive, son histoire personnelle a été marquée par le traumatisme de la Shoah.

Agnes Keleti est décédée ce jeudi à l’âge de 103 ans, a annoncé son attaché de presse Tamas Roth. La Hongroise avait été hospitalisée la semaine dernière pour une pneumonie. « Agnes Keleti est la plus grande gymnaste produite par la Hongrie », salue le Comité international olympique dans un communiqué. « Son histoire inspirante restera à jamais dans les mémoires. Elle a démontré le pouvoir de la détermination et du courage pour surmonter la tragédie lorsque, née dans une famille juive, elle a survécu à l’Holocauste et a remporté dix médailles olympiques après la Seconde Guerre mondiale, dont cinq d’or », ajoute Thomas Bach, le président du CIO. 

Née dans une famille juive sous le nom d’Agnes Klein le 9 janvier 1921, celle qui demeurait jusqu’à aujourd’hui la plus ancienne championne olympique au monde commence la gymnastique dès l’enfance. Montrant rapidement des prédispositions pour cette discipline, elle remporte son premier championnat national à l’âge de 16 ans. Deux ans plus tard, elle est déjà appelée en équipe nationale.

Une vie d’exode marquée par le traumatisme de la Shoah

Toutefois, son irrésistible ascension est freinée, et même brisée par l’avènement du nazisme. Rapidement, elle se voit interdire toute activité sportive en raison de ses origines. Renonçant à son rêve, elle s’emploie alors à simplement à survivre. Obligée de se cacher, elle survit à la Seconde Guerre mondiale dans un village de la campagne hongroise. « J’ai réussi à acheter les papiers d’identité d’une chrétienne, qui avait à peu près le même âge que moi », raconte-t-elle, lors d’une interview réalisée en 2020 et relayée par The Guardian. « Avec mes faux papiers, j’ai réussi à m’enfuir. Je suis restée dans un village isolé et j’ai trouvé du travail en tant que femme de ménage », ajoute-t-elle à l’époque. Sa mère et sa sœur survivent également, grâce notamment à l’intervention du diplomate suédois Raoul Wallenberg, mais son père et plusieurs autres membres de sa famille sont déportés et meurent à Auschwitz.

Elle se hisse au sommet de l’Olympe

Au sortir du conflit, elle renoue avec sa passion, qu’elle n’a au demeurant jamais définitivement abandonné – elle s’entraînait en secret sur les rives du Danube pendant le conflit. Mais alors qu’elle valide sa qualification pour les Jeux Olympiques de Londres de 1948, elle doit renoncer à la compétition en raison d’une déchirure des ligaments de la cheville. Qu’importe, quatre ans plus tard, en 1952, elle participe pour la première fois, à Helsinki, au plus prestigieux événement sportif. Le tout à 31 ans, soit un âge déjà trop avancé pour la plupart des gymnastes. Elle repart de Finlande auréolée de quatre médailles, dont une en or au sol, sa spécialité. 

Même à 95 ans, Agnes Keleti faisait enecor le grand écart. – PETER KOHALMI / AFP

Lors de l’édition suivante, elle fait encore mieux et s’offre son plus grand triomphe, remportant la bagatelle de six breloques, dont six en or, un record pour cette édition, lors des Olympiades de Melbourne 1956. Sol, poutre, barres asymétriques… la domination est totale. Mais ce moment de gloire coïncide avec l’entrée des chars soviétiques dans Budapest, et la sévère répression qui s’ensuit. Elle prend donc la décision, avec 44 autres athlètes hongrois, de ne pas rentrer au pays et émigre en Israël. Là, sa carrière de sportive de haut niveau achevée, elle met sur pied un programme national de gymnastique et entraîne l’équipe nationale. Ces contributions lui valent de remporter la plus haute distinction civile du pays, le Prix d’Israël, en 2017. Elle ne rentre dans son pays natal qu’en 2015.  

Consciente de son immense héritage, l’intéressée n’a pourtant jamais perdu de vue son parcours et ses difficultés. Mais avec son sourire contagieux, elle a estimé, au moment de souffler sa centième bougie, que « cela valait la peine de faire quelque chose de bien dans la vie ». 


Maxence GEVIN

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