samedi, septembre 21

En France, environ 1000 espèces différentes de mousse sont répertoriées.
Longtemps traquées par les paysagistes, le premier végétal apparu sur Terre a en réalité de nombreux pouvoirs très utiles.
Si bien qu’elle est aujourd’hui largement utilisée, notamment en ville pour recréer des îlots de fraîcheur.

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Initiatives environnementales

Pour le jardinier, il n’y a pas d’adversaire plus redoutable qu’elle. Une incorrigible mauvaise herbe, saboteuse de pelouse, envahisseuse du moindre centimètre carré d’écorce. La mousse, longtemps traquée par les pépiniéristes, est en passe de devenir leur meilleur allié. « C’était un parasite du végétal, il fallait s’en débarrasser à tout prix », se souvient Etienne Wirth, pépiniériste à Créa Végétal, dans le reportage en tête de cet article. Mais il y a quelques années, tout a changé. Désormais, Etienne Wirth et la mousse collaborent pour développer les 3000 essences qu’il cultive à Metz (Moselle).

La laisser pousser s’est avéré utile. « La mousse absorbe l’eau, l’humidité ou les pluies et la conserve, explique-t-il. C’est un système d’éponge ». Ses plantes peuvent donc boire grâce à ce réservoir naturel et il a réduit son arrosage de moitié. La mousse est même devenue la gardienne de ses oliviers centenaires. « Le soleil brûle de plus en plus, on est plus sensibles, comme le végétal. Seulement lui, il ne peut pas se mettre de la crème. Il vit donc en osmose avec la mousse », qui devient « sa crème solaire », s’amuse le pépiniériste. 

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Si nous savons encore peu de ces végétaux miniatures, en France métropolitaine, il en existe environ 1000 espèces différentes répertoriées par les spécialistes. Les bryophytes, de leur nom savant, sont apparues il y a des centaines de millions d’années, et n’ont pas de racine. Premières lignées des plantes terrestres, elles ont la capacité de se développer partout sur la planète. Sur la pierre, la rouille, au sommet des glaciers ou même sur les champs de lave. Quasiment immortelle, une simple goutte d’eau peut suffire pour la ressusciter après des années d’hibernation. Coupez-la en morceaux, elle se régénérera à partir d’un simple fragment de feuille. Un des superpouvoirs de cette plante qui se plaît dans un univers spongieux, où fraîcheur, humidité et ombre sont son quotidien. 

Un îlot de fraîcheur pour les villes

Au-delà de son rôle dans la nature, la mousse est devenue un allié pour lutter contre les effets du changement climatique. En région parisienne, on installe même des tapis de mousse sur les toits de certains immeubles. Antoine Seydoux, gérant de Bryoflor, est le seul entrepreneur en France à développer ces tapis. Un marché qu’il a saisi il y a 15 ans pour développer des îlots de fraîcheur en ville. 

« Ça a un rôle de climatiseur. L’eau de pluie, la rosée, va se déposer dessus, elle va s’évaporer et va rafraîchir la ville, explique-t-il. Et puis un autre aspect, c’est sa couleur par rapport aux toitures qui sont souvent sombres et qui va moins absorber de chaleur. Donc in fine, on considère qu’on va perdre deux ou trois degrés dans le bâtiment » où la mousse a été déposée. Et à la différence d’une toiture végétalisée classique, il y a peu d’entretien et peu d’arrosage nécessaires, pour un prix équivalent. Inconvénient de ces tapis toutefois : le temps de fabrication. Dix-huit mois pour faire pousser un seul rouleau de mousse. 

Une éponge à CO2 dans la nature

Si les mousses changeront peut-être le visage de nos villes, elles façonnent déjà certains paysages. Comme les tourbières au cœur des Pyrénées. Car la mousse est la garante des zones humides, depuis des milliers d’années. La championne de ces éponges, c’est la sphaigne, capable d’absorber 20 fois son poids en eau. Et cela nous rend bien service. « Ça sert de zone tampon, si il y a vraiment de très fortes précipitations, ça peut empêcher des inondations », explique Vincent Hassey, chercheur au CNRS. Mais ce n’est pas son unique talent. 

Les mousses agissent aussi comme un coffre-fort dans lequel est emprisonnée, stockée, une quantité impressionnante de CO2. Deux à trois fois plus que dans une forêt par exemple. Problème, « avec le dérèglement climatique, on va avoir moins de précipitation, des sécheresses, ce qui fait qu’on va avoir les sols qui vont se mettre à émettre du CO2 en très grande quantité et donc ça, ça va avoir un impact sur le climat, parce que plus on va avoir de CO2, plus on va avoir de réchauffement climatique », prévient Marie Le Geay, doctorante au CNRS. Préserver ces milieux est ainsi capital.

Les mousses à la conquête de Mars ?

Plus qu’un capteur de carbone, la mousse est une archive à ciel ouvert. Elle enregistre, absorbe la moindre poussière, le moindre grain de pollen ou même les plus toxiques des métaux. C’est ce qui en fait un indicateur de pollution particulièrement efficace. Les scientifiques l’utilisent depuis près de 60 ans, avec une espèce scrutée en particulier : Grimmia pulvinata. Rien qu’avec cette sorte de mousse, Sébastien Leblond, chercheur à l’Office national de la biodiversité, étudie simultanément plusieurs dizaines de polluants atmosphériques. Des métaux ou même des micro-plastiques. De ses observations, il peut montrer que « l’air que nous respirons est en réalité bourré de plastique ». 

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« On est capables de suivre, sur 30 ans, des différences et des variations de concentration, et donc d’alerter les pouvoirs publics sur les risques exponentiels sur la santé humaine et celle des écosystèmes », détaille le chercheur. D’autres scientifiques ont des projets encore plus fous pour la mousse. Utiliser ses facultés exceptionnelles de résistance pour coloniser Mars. Car le petit végétal millénaire a contribué à apporter l’oxygène sur Terre. Un scénario qui pourrait peut-être se répéter… ailleurs.


La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : Tiphaine Leproux, Pauline Lormant, Nicolas Martineau

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