Chantal Barry nous donne rendez-vous entre deux avions, au café de l’Hôtel Sheraton de Roissy, en plein terminal 2. Cette femme d’affaires pressée, 68 ans, cheveux blonds, tailleur sombre, passe inaperçue au milieu des autres voyageurs. Le public ne connaissait pas davantage son visage, ni même son nom, à l’époque où elle était une des grandes patronnes de la télévision. Avec son mari, Jean-Pierre, mort en 2018, elle a dirigé pendant quatre décennies Euro Media Group, un prestataire technique incontournable dans l’audiovisuel.
C’est dans leurs studios qu’on tournait « The Voice », « Danse avec les stars » ou « Questions pour un champion ». C’est avec leurs caméras et leurs cars-régies qu’on retransmettait les matchs de football, avec leurs motos et leurs hélicos qu’on suivait le Tour de France.
Puis les Barry ont revendu leur groupe. En 2016, ces protestants évangéliques ont créé une holding, ZeWatchers, pour investir dans des start-up et des contenus propageant, selon eux, des valeurs chrétiennes. Chantal Barry fait mine de se demander ce qui peut intriguer un journaliste dans cette histoire. Elle sait bien que la réponse tient en un prénom, celui d’un de ses amis : Vincent.
C’est grâce au couple Barry que Vincent Bolloré est entré sur le marché des médias, en 2001. L’Etat privatisait la Société française de production (SFP), le principal prestataire technique de l’époque, un mastodonte écrasant le marché sur lequel Euro Media tentait de percer. Le couple Barry et Vincent Bolloré s’étaient associés pour la racheter. En 2002, l’homme d’affaires avait obtenu une fréquence sur la TNT pour lancer sa propre chaîne, Direct 8, et insistait pour la diffuser depuis la tour Bolloré, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Les équipes de Chantal et Jean-Pierre Barry s’étaient alors chargées de construire des studios au milieu des bureaux. Puis, au fil des années, Vincent Bolloré s’était emparé du groupe Canal+, Direct 8 s’était transformée en C8, et ce groupe comme cette chaîne étaient devenus des partenaires solides de ZeWatchers. Tout allait bien, jusqu’à cet été.
« Des programmes bienveillants »
Fin juillet, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a décidé de priver C8 de sa fréquence sur la TNT gratuite, sanctionnant ainsi les dérapages et les provocations de son animateur vedette, Cyril Hanouna.
Or, C8 n’est pas seulement la chaîne de « Baba », comme le surnomment ses fans. Elle est aussi devenue une chaîne où Chantal Barry a pu installer des programmes « spirituels » distribués ou produits par sa société ZeWatchers : de la fiction et même de la télé-réalité, loin des émissions religieuses vieillottes du service public. Fin février 2025, C8 cessera donc d’émettre sur la TNT, à moins que le Conseil d’Etat, saisi par la chaîne le 19 septembre, ne se prononce contre la décision de l’Arcom.
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