« Avant le redressement, le hangar était plein », lâche Olivier Thuilliez, salarié de l’entreprise, en désignant le vaste espace de plusieurs dizaines de mètres carrés, plein de pâte à papier, permettant la production de papiers couchés techniques, résistants à l’humidité, aux liquides gras, ou encore aux flammes. Désormais, il est vide.
Placée en redressement judiciaire, le 5 juillet, la papeterie de Stenay, qui emploie 124 salariés dans le nord de la Meuse, est suspendue aux décisions du tribunal de commerce de Bar-le-Duc. « Il y a une audience le 6 septembre. Si c’est la catastrophe dans les comptes, ils peuvent liquider l’usine », se désole Alain Magisson, secrétaire du comité social et économique (CSE) et délégué CGT au sein de l’entreprise.
M. Magisson affiche un air d’autant plus désabusé que l’histoire semble se répéter : il y a un an, l’usine a échappé à la fermeture. Propriétaire de la papeterie depuis 1997, le groupe finlandais Ahlstrom avait annoncé, en mars 2023, son projet de fermeture, à moins de trouver un nouvel acquéreur. Au terme de sept mois de négociations, le fonds d’investissement allemand Accursia Capital devient propriétaire et sauve alors l’usine, rebaptisée Stenpa [contraction de Stenay et de « papers »].
« Ils ont vendu du rêve »
Le 2 octobre 2023, Accursia publie un communiqué, projetant « plusieurs investissements ciblés afin de soutenir le développement de Stenpa ». Alain Magisson rit jaune : « Ils ont vendu du rêve à tout le monde. L’argent, ils n’en ont jamais mis. » Dans une lettre adressée au CSE de Stenpa, le 6 août, Accursia reconnaît ne pas avoir suivi son business plan initial, mais il se dédouane de toute responsabilité dans la reprise de l’usine, évoquant des « mensonges et carences d’Ahlstrom », qui « savait pertinemment que le business plan était irréalisable ». Le groupe incriminé dément ces accusations : « Ahlstrom n’a cessé de collaborer étroitement et en toute transparence avec Stenpa. »
Nommé par Accursia, un nouveau directeur, Matej Kurent, arrive à Stenay en octobre 2023, et découvre « un carnet de commandes complètement vide ». Alertés du projet de fermeture, les clients de l’usine auraient, selon lui, « surstocké » sur le conseil d’Ahlstrom. Sans commandes après ces achats anticipés, la papeterie tourne donc au ralenti et épuise sa trésorerie. Stenpa parvient tout de même à trouver de nouveaux clients. Mais ce n’est plus suffisant. « C’est paradoxal : maintenant que l’on a de nouveaux clients, on n’a pas les moyens d’acheter de la matière première pour produire plus », constate Alain Magisson. Désormais, le regard des salariés est tourné vers un potentiel repreneur, qui sauverait leurs emplois, comme Accursia s’y était déjà employé il y a un an.
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