mardi, mai 21
Daniel Kahneman, à Paris en mai 2013.

Daniel Kahneman, mort le 27 mars, représente un cas assez singulier dans le monde des chercheurs contemporains qui ont fait significativement progresser la connaissance économique. L’Israélo-Américain est tout d’abord le premier à avoir reçu, en 2002, le prix Nobel d’économie sans être un économiste au sens académique du terme, puisqu’il a lui-même reconnu ne jamais avoir suivi formellement d’enseignement dans cette discipline. Sa formation initiale était la psychologie et, à un moindre degré, les mathématiques.

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Le point de départ de ses recherches avec son collègue et ami Amos Tversky (1937-1996) concerne l’analyse des choix individuels en situation d’incertitude, abordée dans la perspective d’une psychologie expérimentale. Mais les deux auteurs se sont employés, en priorité, à confronter les résultats de leurs expériences, réelles ou simulées, aux constructions théoriques développées par les économistes mainstream. Ils ont ensuite esquissé une approche alternative critique de cette question économique centrale (« Prospect Theory : An Analysis of Decision under Risk », Econometrica n° 47, 1979).

On observera, du reste, que le Français Maurice Allais (1911-2010), lui-même Prix Nobel d’économie, en 1988, avait déjà mis en évidence l’échec d’une théorie purement statistique de ce type de choix, à l’occasion d’une expérience célèbre à laquelle avait participé, entre autres, Leonard Savage (1917-1971), l’un des fondateurs de cette théorie (« Le comportement de l’homme rationnel devant le risque : critique des postulats et axiomes de l’école américaine », Econometrica n° 21, 1953). Dans cette expérience, les sujets étaient confrontés successivement à deux couples de situations différentes, chacune caractérisée par des probabilités qui leur étaient associées. Le résultat obtenu montrait que leurs choix ainsi exprimés se révélaient irrationnels selon la logique statistique.

Le principal apport économique de Kahneman sur cette question est sans doute d’avoir mis en évidence que le choix en situation d’incertitude n’est pas le résultat d’un simple calcul linéaire, quelle qu’en soit la complexité, mais celui de la rencontre de deux opérations mentales distinctes qui se succèdent et s’articulent entre elles : d’abord le framing (« cadrage »), qui organise la situation de choix posé au décideur en sélectionnant et en hiérarchisant ses principales dimensions nécessairement subjectives, avant de procéder au calcul (computation) qui lui est ensuite appliqué. Une perspective qui permet notamment d’introduire directement la prise en compte des biais cognitifs au cœur de l’analyse microéconomique des choix individuels.

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