dimanche, mai 19
Lors d’une manifestation contre le projet de loi controversé sur l’« influence étrangère », après une célébration religieuse pour la Pâques orthodoxe, à Tbilissi, le 4 mai 2024.

Les manifestants ont plié bagage, le Parlement a fermé ses portes, le calme s’est momentanément installé, dimanche 5 mai, sur l’avenue Roustaveli au centre de Tbilissi, la capitale géorgienne, quasiment déserte en raison des célébrations de la Pâque orthodoxe. Après trois semaines de mobilisation contre le projet de loi controversé sur l’« influence étrangère » voulu par le gouvernement et contesté par une large partie de la population, cette trêve pascale tient davantage de la veillée d’armes, chaque camp en profitant pour affiner sa stratégie en vue de la prochaine étape, l’adoption de la loi en troisième et dernière lecture, fixée au 13 mai, quand les députés rentreront de vacances.

Les jeunes Géorgiens pro-européens de la « Gen Z », qui sont au cœur de la contestation, promettent de bloquer les portes du Parlement, de camper tout autour, de venir nombreux et de « ne rien lâcher ». Les autorités sont tout aussi déterminées, Bidzina Ivanichvili, le fondateur et dirigeant du Rêve géorgien, le parti au pouvoir depuis près de douze ans, a menacé, lors d’un rassemblement lundi 29 avril, de « punir » ses opposants politiques après les prochaines élections, ce qui fait craindre un tournant vers l’autoritarisme et la répression.

Dans un discours aux accents conspirationnistes, le milliardaire a évoqué les menaces étrangères qui guettent le pays. Elles viendraient, selon lui, du « parti mondial de la guerre », un euphémisme pour les Américains et les Européens, ainsi que des ennemis internes, à savoir les ONG et les « pseudo-élites ». Ces ennemis, a-t-il fustigé, sont des « sans-patrie », une accusation tout droit sortie de l’URSS des années 1930.

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La nouvelle législation, a-t-il assuré, vise uniquement à renforcer la transparence du financement des ONG, qui, sans cela, sont « le principal instrument pour la nomination d’un gouvernement géorgien par des puissances étrangères ». En revanche, il n’a rien dit de l’occupation par l’armée russe de 20 % du territoire géorgien (Abkhazie et Ossétie du Sud) et il s’est bien gardé d’évoquer la guerre en Ukraine.

Conservatisme social et religieux

Son discours marque une rupture. Jusqu’ici, Rêve géorgien s’efforçait, en apparence du moins, d’afficher un semblant de rhétorique pro-occidentale, assurant bon an mal an que l’obtention du statut de candidat à l’Union européenne et l’intégration dans l’OTAN restaient ses objectifs. Désormais, ses dirigeants regardent de façon assumée en direction de la Russie, avec laquelle la Géorgie n’a plus de relations diplomatiques depuis la guerre qui les a opposées à l’été 2008. L’opinion publique géorgienne, qui souhaite ardemment voir le pays s’arrimer au Vieux Continent, est le principal obstacle au rapprochement avec Moscou, ou du moins avec son modèle de société. « Nous nous sentons européens », répétaient à l’envi les jeunes manifestants, qui parlent anglais plutôt que russe, dans les rues de Tbilissi début mai.

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