vendredi, décembre 5

La tribune publiée le 4 novembre dans Le Monde et intitulée « Parallèlement à la “science des maladies”, nous plaidons la “science des symptômes” » ouvre un débat nécessaire sur le dépassement du « dualisme cartésien », c’est-à-dire l’ancienne distinction entre le corps et l’esprit. Pour les auteurs, il s’agit de savoir si l’on continue à opposer d’un côté les « vraies » maladies qui se voient sur les examens et, de l’autre, des symptômes réputés seulement « dans la tête », ou si l’on accepte que les symptômes naissent de l’interaction entre le corps, le cerveau, les émotions. Les auteurs s’appuient par ailleurs sur l’influence – réelle dans toutes les maladies et chez tous les patients – de la psychologie sur les symptômes pour justifier une « science des symptômes » parallèle à celle des maladies.

Il nous semble que le dépassement proposé repose en fait sur une confusion. Le dualisme postulait seulement que « corps » et « esprit » sont de natures différentes, sans nier leurs interactions. La proposition des auteurs hérite de ce contresens. La science parallèle des symptômes qu’ils appellent de leurs vœux reconduit une séparation de nature entre psychologique et somatique, au lieu de la dépasser. Un vrai dépassement est pourtant nécessaire, au moment où les progrès en neuro-imagerie, en biologie et en physiopathologie permettent d’objectiver la réalité organique de plaintes autrefois dites « fonctionnelles ». L’histoire de la médecine est jalonnée de maladies aux mécanismes encore mal élucidés, longtemps reléguées au rang de troubles psychosomatiques – des ulcères digestifs à l’endométriose.

Depuis toujours, la médecine consiste à la fois à soulager les symptômes et à traiter, lorsque c’est possible, les causes de la maladie qui les produit. La distinction proposée conduirait en fait à créer, à côté de la médecine fondée sur les preuves, une médecine « parallèle » et des médecins qui s’exonéreraient de la recherche des causes organiques. C’est la garantie de laisser ces maladies incomprises et de maintenir les patients dans l’errance médicale.

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