Leur procès intervient en plein débat médiatique sur les crèches privées. Six et douze mois de prison avec sursis ont été requis, lundi 23 septembre, contre l’ancienne directrice et une ancienne salariée d’un établissement People & Baby jugées à Lille pour des violences sur des enfants, à l’issue d’une audience à huis clos.
Face à une salle comble en début d’audience, les avocates de la défense avaient demandé le renvoi, appelant à « extraire ce procès de la promotion d’un livre » et dénonçant un « rouleau compresseur médiatique ».
Le procès s’est déroulé dans la foulée de la sortie des Ogres de Victor Castanet, une enquête qui dénonce le modèle low cost de plusieurs groupes de crèches privées, en particulier People & Baby. Mais le tribunal a décidé de maintenir les débats, estimant qu’il est « temps de juger cette affaire », tout en accordant un huis clos à la demande de parties civiles.
Les prévenues sont poursuivies pour violences volontaires, physiques et psychologiques, sans incapacité, sur neuf enfants au sein de la crèche située à Villeneuve-d’Ascq, dans la banlieue lilloise. Les parties civiles décrivent des privations de repas, des humiliations, de l’isolement et certains soupçonnent des maltraitances physiques.
« Des attitudes et gestes inadaptés »
Le parquet a requis six mois de prison avec sursis envers l’ancienne directrice de crèche, 48 ans, poursuivie pour des violences sur trois enfants, qui s’est présentée le visage contrit, une veste noire sur les épaules. Douze mois de prison avec sursis ont été requis envers l’ex-infirmière de 35 ans, cheveux noués en natte rousse, accusée de violences sur huit enfants. Le parquet a également demandé au tribunal de Lille de décréter une interdiction d’exercer pendant cinq ans pour les deux prévenues.
Saluant le temps accordé à chacun pour décrire les faits reprochés, Me Alexandre Schmitzberger, avocat de parties civiles, a estimé que « c’est forcément un soulagement pour les familles ».
Les deux femmes sont soupçonnées d’avoir adopté « des attitudes et gestes inadaptés à la prise en charge d’un enfant en bas âge », a rappelé la cour lundi. Elles contestent ces faits. « Ce qui a été pointé, c’est le manque de formation, peut-être la fatigue », a rapporté à la fin de l’audience Me Florent Mereau, un autre avocat de parties civiles.
« Ce sont des enfants qui ne sont pas juste rentrés de la crèche avec un bleu qui disparaît en quelques jours », a relevé Me Alexandre Schmitzberger, mettant en avant l’attente des familles, cinq ans après les faits. « Nous avons des enfants qui développent des troubles psychomoteurs, des troubles du comportement, qui se retrouvent avec des retards d’évolution (…) parfois de deux ans. »
« Un procès emblématique » pour Victor Castanet
L’avocate de l’ex-infirmière, Me Fatima En-Nih, a largement fustigé le livre d’enquête du journaliste Victor Castanet, qui consacre plusieurs chapitres à la crèche de Villeneuve-d’Ascq. « Depuis quelques jours, toute notre énergie est mobilisée à fuir la presse », a-t-elle martelé.
Le journaliste s’est rendu au tribunal, assurant apporter son soutien aux familles. « Ce procès est évidemment emblématique parce qu’il raconte les dysfonctionnements de ce groupe et plus largement d’un certain nombre de groupes de ce secteur », a-t-il déclaré devant les nombreuses caméras présentes.
Toutefois, les parties civiles ont rappelé que ce procès n’était pas celui du groupe People & Baby. « Il n’est pas question ici de vengeance, de lapidation ou de récupération médiatique », a souligné Me Patrick Lambert. Il représente une famille avec deux enfants qui dénonce « des maltraitances psychologiques, de l’isolement, des défauts d’alimentation » mais aussi des suspicions de violences physiques, une enfant ayant « été retrouvée avec une bosse au niveau du front ».
« Aujourd’hui, mon enfant a 8 ans et a des troubles psychologiques », a également expliqué à l’Agence France-Presse un parent qui s’est constitué partie civile et accuse l’infirmière auxiliaire d’avoir enfermé son enfant dans le noir. Selon lui, les séquelles sont multiples : agressivité, difficultés à l’école, peur du noir, angoisses.
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Sous tension, le secteur des crèches fait face depuis plusieurs années à une pénurie critique de professionnels et à des dysfonctionnements imputés à un mode de financement complexe aux effets jugés « pervers ».