dimanche, juin 30

Pour lui, pas de doute, c’est bien une nouvelle manifestation de la hausse des « procédures-bâillons », qui symbolisent la volonté de faire taire les journalistes en les attaquant en justice. Manuel Sanson, rédacteur en chef du média d’investigation en ligne Le Poulpe, était convoqué au commissariat de Rouen, jeudi 27 juin au matin, dans le cadre d’une information judiciaire pour des faits de « révélation d’information sur une enquête ou une instruction pour crime ou délit, recel de bien provenant de la violation du secret de l’instruction, violation du secret professionnel ».

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Le journaliste, entendu en audition libre, a appris que le média fondé en mai 2019 est concerné par une plainte contre X qui a été déposée à l’automne 2023, avec constitution de partie civile par l’ex-maire de Canteleu (Seine-Maritime, Mélanie Boulanger, actuellement jugée pour complicité de trafic de stupéfiants. Au moins trois articles concernant l’ancienne édile – dont un publié en mai 2022 et un autre en septembre 2023 – ont été pointés par l’officier de police judiciaire qui a questionné le rédacteur en chef du Poulpe, jeudi matin.

« C’est une manière de mettre la pression sur les journalistes et sur les sources potentielles afin de les tarir », dénonce Manuel Sanson, alors que son confrère Gilles Triolier, directeur de la publication du Poulpe (également correspondant du Monde) est, à son tour, auditionné au commissariat jeudi 27 juin, dans l’après-midi.

« Il y a une recrudescence de pressions »

Conseillés par l’avocat Maître Emmanuel Tordjman, MM. Sanson et Triolier ont fait le choix de rester silencieux lors des auditions, s’en tenant à une déclaration préliminaire que Le Monde a pu consulter. Cette convocation « devient une habitude dangereuse pour la liberté de la presse et pose des problèmes juridiques fondamentaux », contestent-ils, estimant ne pas être « mis en cause sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 [N.D.L.R. : sur la liberté de la presse], mais pour le recel d’une infraction relevant du Code pénal ». « Il s’agit (…) d’un véritable contournement du droit de la presse et de son esprit, gravement attentatoire à la liberté d’informer », alertent-ils.

« Il y a une recrudescence de pressions sous des formes diverses et variées », confie M. Sanson au Monde, faisant référence à la garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux de Disclose en septembre 2023 ou à la journaliste du média Blast – dont l’identité n’a pas été communiquée – placée en garde à vue, les mardi 18 et mercredi 19 juin. La rédactrice couvrait une manifestation menée au siège de l’entreprise Exxelia dans le cadre d’une enquête sur les ventes d’armes à Israël, selon Blast. Elle a été interpellée après une « intrusion » avec six personnes, selon le parquet, avant que leur garde à vue soit levée sans poursuites. « A aucun moment, on ne lui a opposé un seul élément permettant de considérer qu’elle faisait lors de la manifestation autre chose que son métier de journaliste », avait déploré son avocat Maître Laurent Pasquet-Marinacce auprès de l’Agence France-Presse. « La priver de liberté pendant 34 heures, (… ) tenter de la contraindre à donner accès aux notes et documents de travail contenus dans son téléphone constituaient donc non seulement une tentative de violation du secret des sources, mais aussi une opération de dissuasion de cette journaliste et, au-delà d’elle, de tous ceux qui s’intéressent aux crimes de guerre commis par Israël, de l’intimidation en d’autres termes », avait-il ajouté.

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