vendredi, mai 3

La politique de l’offre conduite ces dernières décennies s’appuie sur un diagnostic macroéconomique apparemment univoque : la dégradation de la compétitivité. Le solde de la balance courante française est en effet resté largement déficitaire depuis la fin des années 2000, malgré les performances de nos industries du luxe, de l’agroalimentaire et de l’aéronautique. La croissance des exportations françaises reste fondamentalement faible.

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Cette perte de compétitivité de la France est souvent associée à trois « suspects usuels ». Tout d’abord, la faiblesse des gains de productivité, qui restent en moyenne inférieurs à la croissance des salaires – en tout cas dans l’industrie –, ce qui induit une augmentation des coûts salariaux unitaires. Ensuite, une rentabilité dégradée des entreprises françaises, qui a motivé la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et des aides d’urgence pendant la crise liée au Covid-19. Enfin, un taux d’investissement des entreprises trop faible pour leur permettre d’innover. La politique de l’offre menée par les gouvernements successifs a visé à enrayer cette spirale négative à travers une baisse des charges salariales, une réduction du coût du capital et une flexibilisation du marché du travail.

Dans le même temps, le partage de la valeur ajoutée entre travail et capital est resté globalement stable en France depuis une trentaine d’années, autour de deux tiers/un tiers, avec un peu moins de 60 % pour la rémunération des salariés, d’après l’Insee. La France s’est d’ailleurs distinguée depuis la fin des années 1950 par une institutionnalisation des dispositifs de partage de la valeur en faveur des salariés, jusqu’à la « loi relative au partage de la valeur au sein de l’entreprise » de juin 2023.

Pénurie des compétences

Mais continuer à soutenir l’offre pour restaurer la compétitivité des entreprises françaises est-il un objectif raisonnable dans un pays où les stabilisateurs automatiques (baisse de la pression fiscale, prestations sociales, etc.) et la politique redistributive vont plutôt dans le sens d’une dynamique efficace de soutien à la demande ? De fait, plusieurs phénomènes socio-économiques et institutionnels rebattent aujourd’hui les cartes pour les entreprises : la raréfaction des compétences, la transformation des préférences sur le marché du travail, et la revendication légitime de réduction des inégalités. Ces facteurs conditionnent désormais au plus serré les capacités productives de notre économie. Les mesures fiscales et la flexibilité du marché du travail ne suffisent plus.

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