Le Parlement ukrainien a voté un projet de loi qui interdira le culte orthodoxe lié au Patriarcat de Moscou.
Le président Zelensky salue le résultat, tandis que le Kremlin s’indigne.
En chute de popularité depuis le début de l’invasion russe, cette Église orthodoxe était dans le collimateur de Kiev depuis plusieurs années.
« Décision historique ! Le Parlement a voté un projet de loi qui interdit une filière du pays agresseur en Ukraine », a écrit sur Telegram la députée Irina Guerachtchenko. Le Parlement ukrainien a en effet adopté ce mardi un projet de loi prévoyant l’interdiction de l’Église orthodoxe liée au Patriarcat de Moscou et souvent considérée comme un relais d’influence du Kremlin, après deux ans et demi d’invasion russe de l’Ukraine, ont annoncé plusieurs députés.
Sans surprise, la Russie a aussitôt dénoncé une tentative de Kiev de « détruire l’orthodoxie canonique », tandis que le patriarcat de Moscou condamnait l’interdiction. « Il s’agit d’un acte illégal qui constitue la violation la plus flagrante des principes fondamentaux de la liberté de conscience et des droits de l’homme », a accusé le porte-parole de l’Église orthodoxe russe, Vladimir Legoïda, sur Telegram.
L’Église visée par cette décision était jadis la plus populaire en Ukraine, un pays à forte majorité orthodoxe. Mais elle a perdu ces dernières années de nombreux fidèles à mesure que le sentiment national ukrainien gagnait en popularité face à l’ex-puissance russe. Ce processus s’est accéléré avec la création en 2018 d’une Église orthodoxe ukrainienne indépendante de la Russie, puis plus encore avec le début en février 2022 de l’invasion de l’Ukraine, ouvertement soutenue par le Patriarcat de Moscou. En juillet 2023, le président Zelensky avait également signé un décret pour aligner la date de la fête chrétienne de Noël sur celle pratiquée en Occident, le 25 décembre, rompant une amarre de plus avec son voisin russe.
Selon un sondage réalisé en 2023 par l’Institut international de la sociologie de Kiev, 66% des Ukrainiens étaient favorables à l’interdiction de l’Église liée à Moscou. Par ailleurs, 54% des Ukrainiens s’identifiaient avec l’Église indépendante et seulement 4% avec celle soumise au Patriarcat russe, selon une étude d’opinion réalisée par la même organisation en 2022, contre respectivement 42% et 18% l’année précédente, avant l’invasion russe.
Neuf mois pour « couper ses liens avec l’Église orthodoxe russe »
La nouvelle loi, qui doit encore être promulguée par le président ukrainien avant d’entrer en vigueur, donnera neuf mois aux paroisses de l’Église concernée pour « couper ses liens avec l’Église orthodoxe russe ». Volodymyr Zelensky, quant à lui, a aussitôt salué le vote du Parlement : « Une loi sur notre indépendance spirituelle a été adoptée », a-t-il affirmé sur les réseaux sociaux.
L’Église liée à la Russie compterait toujours quelque 9.000 paroisses en Ukraine contre 8.000 à 9.000 paroisses pour sa rivale indépendante. Concrètement, selon des experts ukrainiens, la suppression des paroisses liées à Moscou risque donc de prendre des mois, voire des années, car l’interdiction de chacune d’entre elles devra être approuvée par un tribunal.
L’Église orthodoxe visée par cette interdiction avait annoncé en mai 2022 rompre tout lien avec le Patriarcat de Moscou, et accusé les autorités ukrainiennes de persécutions. Mais le gouvernement ukrainien estime qu’elle reste de facto dépendante de la Russie, tandis que plusieurs de ses dignitaires sont visés par des enquêtes criminelles. La décision du Parlement ukrainien vise à « détruire l’orthodoxie canonique et véritable et d’apporter à sa place un substitut, une fausse Église », a fulminé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, citée par une télévision d’État.