vendredi, mars 21

Perte de popularité, propos mettant à mal la confiance des partenaires sociaux, dissonances au sein du gouvernement… François Bayrou vit une mauvaise passe.
Le Premier ministre tente de ramener le calme en demandant à ses ministres d’être plus solidaires.
Le chef du gouvernement se trouve dans une position difficile, étant obligé de satisfaire les exigences sécuritaires de la droite et sociales de la gauche.

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Budget, immigration, fin de vie… Le gouvernement Bayrou trace sa route

François Bayrou a connu des jours meilleurs. À la faveur de la crise internationale, Emmanuel Macron a repris du poil de la bête – devenant même plus populaire que son Premier ministre – et ses prises de parole sur la défense ou la diplomatie ont éclipsé les sujets de politique intérieure, du ressort du Premier ministre. Mais ces derniers jours, même sur les sujets qui occupent la scène politique franco-française, le chef du gouvernement a des difficultés à se faire entendre clairement et à faire respecter sa ligne. Au sein du gouvernement la cacophonie est de mise, le chef d’orchestre lui-même semblant ne pas savoir quelle partition jouer.

La principale déconvenue à laquelle est confronté le maire de Pau est la déroute annoncée (et inévitable ?) du conclave sur les retraites. Mis en place par le Premier ministre à son arrivée pour donner des gages aux socialistes, il doit permettre aux partenaires sociaux de discuter d’une amélioration de la réforme des retraites adoptée en 2023, par exemple en revenant sur l’âge légal de départ fixé à 64 ans, sans accentuer le déficit. Mais la déjà fragile cohabitation entre tous les participants a volé en éclat dimanche 16 mars après ses propres déclarations.

Les syndicats dénoncent une « trahison »

François Bayrou s’est dit opposé à un retour à l’âge légal de départ à 62 ans, contraint par la nouvelle donne internationale et le chef de l’État qui lui demande de lui fournir des pistes pour de « nouveaux investissements » et de « nouveaux choix budgétaires ». Une position réaffirmée mardi. « Je dis comme citoyen, comme observateur, que ce n’est pas possible », a-t-il clamé à l’Assemblée nationale. Un rejet « incompréhensible » et « scandaleux » pour la CDFT et la CGT, qui menace de quitter les négociations. « Les concertations ont été rouvertes sur l’idée qu’il n’y avait pas de totem ni de tabou, donc on pouvait discuter de tout », a rappelé Denis Gravouil (CGT), dénonçant une « trahison ». « Si une solution est trouvée elle sera portée », a tempéré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas ce mercredi, assurant que le Premier ministre avait exprimé là « son avis personnel »

Dans le même temps, celui qui voulait un gouvernement de « poids lourds » a dû gérer les menaces de démission de deux d’entre eux. Le week-end dernier, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a laissé entendre dans les colonnes du Parisien (nouvelle fenêtre)qu’il refuserait de « céder sur ce sujet majeur pour la sécurité des Français » qu’est l’Algérie, et que s’il n’était pas soutenu par l’Élysée et Matignon il démissionnerait. 

Des ministres recadrés sur le voile dans le sport

Rebelotte mardi avec le ministre de la Justice Gérald Darmanin. Le problème cette fois-ci ? La prise de position de certains membres du gouvernement contre une proposition de loi Les Républicains (LR) visant à interdire le port du voile dans les compétitions sportives. « On ne peut pas rester dans un gouvernement qui cède sur ces questions-là. Je ne participe pas à ça », a-t-il déclaré au Parisien (nouvelle fenêtre), alors que François Bayrou avait convoqué plusieurs de ses ministres après leurs prises de position divergentes sur le sujet. Plus tôt sur TF1, le garde des Sceaux avait « regretté » la position notamment de la ministre des Sports Marie Barsacq et de la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne, qui ont exprimé leurs réserves sur un texte voté en février au Sénat sur le sujet, avec le soutien du ministre auprès du ministre de l’Intérieur François-Noël Buffet.

Si François Bayrou a pris position pour le texte LR, il a tout de même fustigé « des critiques internes » au sein du gouvernement « qui sont inacceptables ». Mardi, en milieu de journée, il a donc convoqué Gérald Darmanin,  Élisabeth Borne, Bruno Retailleau, Marie Barsacq et Aurore Bergé (Égalité femmes-hommes) pour appeler tout le monde à la « solidarité »

 

Interrogée sur les dissensions au sein du gouvernement ce mercredi à l’issue du Conseil des ministres, notamment à propos de l’Algérie, Sophie Primas a rétorqué : « Chacun est libre de faire des propositions. Il ne vous aura pas échappé que nous sommes dans un gouvernement polyphonique. » Peut-être un peu trop.

La menace de censure plane toujours

François Bayrou s’échange également des amabilités avec son prédécesseur Édouard Philippe. Si le maire Horizons du Havre a jugé le conclave sur les retraites « complètement hors-sol » et « déjà totalement dépassé », François Bayrou a regretté qu’« Édouard Philippe considère que la démocratie sociale et les partenaires sociaux, c’est négligeable (…) Moi je crois qu’on s’est trompé depuis des années en écartant les partenaires sociaux ». Le Premier ministre recevra en milieu de semaine le président d’Horizons, candidat déclaré à l’élection présidentielle, mais leur rendez-vous avait été calé avant ces échanges par médias interposés, indique Matignon.

À l’issue de cette semaine, François Bayrou pourra se demander s’il regrette d’avoir conféré une trop grande liberté de parole à ses ministres. Est-ce vraiment une bonne idée de laisser s’exprimer des personnalités issues de partis politiques différents sur des sujets où il semble évident qu’ils ne seront pas d’accord ? La méthode a peut-être montré ses limites. Cela confirme surtout que le Premier ministre centriste est bien pris en étau entre sa droite et sa gauche. Cette dernière se rappelle d’ailleurs à lui avec menace. « François Bayrou commet une erreur en pensant que nous ne pouvons plus le censurer », a averti le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure mardi.


Justine FAURE

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