vendredi, décembre 26

Derrière les réponses presque magiques de ChatGPT, les vidéos imaginaires sans limites de Sora ou les images synthétiques bluffantes de Grok ou Gemini, l’intelligence artificielle (IA) a une empreinte bien réelle sur le monde. Dans une industrie du numérique énergivore, cette technologie se distingue par l’intensité de la puissance de calcul qu’elle nécessite pour chaque requête. Cela se reflète dans l’explosion inédite des investissements des géants de l’IA dans les data centers : 620 milliards de dollars (529 milliards d’euros) en 2026, selon la banque Morgan Stanley, soit déjà près de quatre fois plus qu’en 2023.

Cette course au gigantisme – Meta a ainsi un projet de data center grand comme la moitié de l’île de Manhattan et puissant comme cinq réacteurs nucléaires – a de nombreux impacts tout au long de la chaîne de valeur de l’IA.

Cette absorption de ressources fait craindre des pénuries ou des conflits d’usage locaux avec d’autres besoins essentiels tels que l’agriculture, l’électrification des transports ou de l’industrie. L’IA doit-elle donc être développée à tout prix ? Il convient de la piloter « avec sobriété », en choisissant « le juste niveau de technologie au service d’un besoin réel », met en garde l’Agence de la transition écologique (Ademe) dans une étude publiée début novembre. Et le 8 décembre, plus de 230 ONG ont demandé un moratoire sur la construction de nouveaux centres de données aux Etats-Unis.

Comment l’IA dévore la planète

Artificialisation des sols

Consommation
d’électricité



Consommation de métaux

Sans elles, pas d’IA. Tout commence par les cartes graphiques,
également appelées
« GPU » (pour graphics processing unit).
Véritable cœur battant de l’IA, leur puissance de
calcul est de plus en plus spectaculaire. Leur nombre devrait
être multiplié par 5 en dix
ans
.

Pour évaluer l’impact sur la planète de ces cartes,des chercheurs
ont démantelé et broyé l’une des plus utilisées au
monde, la Nvidia A100. Ils y ont trouvé plus d’une
vingtaine
de métaux différents
, dont des terres rares.

L’essor de l’IA donne un coup de fouet à l’industrie des
semi-conducteurs, qui
pourrait
doubler en cinq ans
. Le marché des GPU et autres
puces
destinées à l’IA domine la croissance et devrait dépasser les
280 milliards de dollars d’ici à 2029.

Or, ce secteur est gourmand en eau, énergie, métaux et produits
chimiques. Et ce
alors que, pour augmenter la puissance de calcul, les éléments de
base doivent être de plus en plus petits, et donc de
plus en plus purs, ce qui nécessite l’utilisation de
toujours plus de produits
toxiques
.

Dans les usines du taïwanais TSMC, plus important industriel du
secteur, la
production d’un seul « wafer » de
12 pouces, où
sont gravées les puces, requiert plus de
7 000 litres
d’eau
. Le groupe – qui indique
recycler 88 % de l’eau qu’il utilise – en fabrique
l’équivalent de
16 millions
par an.

Artificialisation des sols

L’expansion de l’IA nourrit une croissance
inédite des dépenses
dans les data
centers
 : les géants du secteur, d’OpenAI à
Meta, en passant
par Google, Amazon ou Microsoft, vont investir
470 milliards de dollars dans ces infrastructures
en 2025 et même 620 milliards en 2026, selon
la banque Morgan Stanley. Soit près de quatre fois plus
qu’en 2023
.

Il n’existe pas de recensement mondial du nombre de kilomètres
carrés aujourd’hui
occupés par les data centers. Mais, aux Etats-Unis, les
montants
investis dans la construction de ces
infrastructures sont sur le point de dépasser ceux des
bureaux
traditionnels
.

Et d’immenses chantiers ont été lancés : Stargate, d’OpenAI,
situé dans la
petite ville d’Abilene, au Texas, comptera huit bâtiments sur une
zone de près de 4,5 kilomètres carrés –
plus vaste que Central Park à New York. Le patron de Meta, Mark
Zuckerberg, a annoncé que le méga data center
Hyperion, prévu en Louisiane, pourrait couvrir l’équivalent
d’« une partie importante de la superficie de
Manhattan »
.

https://assets-decodeurs.lemonde.fr/redacweb/1029-IA-environnement/video-stargate-infog.mp4

En France, le gouvernement a annoncé avoir identifié 35 sites
« favorables » à l’installation de centres de
données pour un total de 12 km²
– soit 1 680 terrains de foot.

Consommation d’électricité

Cette course au gigantisme s’illustre par leur puissance électrique
exponentielle.
Les plus gros sites en construction prévoient désormais d’égaler
ou de dépasser une capacité électrique de
1 gigawatt (GW). Soit environ l’équivalent de la puissance
d’un réacteur nucléaire.
Et les objectifs sont
encore plus démesurés : xAI sera « le premier à
mettre en fonctionnement 10 GW, 100 GW,
1 TW
[térawatt]… », a affirmé sur X
Elon Musk, en septembre.

L’augmentation de la puissance installée des
data centers
devrait
en conséquence
faire bondir leur consommation électrique annuelle liée à leur
utilisation. Celle-ci pourrait tripler
d’ici à
2030.

Pour le moment, l’électricité alimentant les data centers ne
représente qu’environ
1,5 % de la consommation mondiale, selon l’AIE. Mais aux
Etats-Unis, cette part pourrait passer de 4,4 %
à entre 7 % et 12 % en 2028, selon le ministère de
l’énergie américain. En Europe, les data
centers
pourraient peser 7,5 % de la consommation électrique
d’ici à
2035
, contre 2,5 % aujourd’hui, selon le
Shift Project, le cercle de réflexion présidé par Jean-Marc
Jancovici.

Consommation d’eau

L’IA n’est pas seulement vorace en énergie, elle est aussi
insatiable en eau.
En 2023, les prélèvements associés aux centres de données
auraient déjà dépassé les 5 000 milliards
de litres, selon les calculs de l’Agence internationale
de l’énergie
(AIE). Soit l’équivalent de toute l’eau potable puisée en France
en une année.

Une partie de cette eau est recyclée, c’est pourquoi la part
réellement consommée –
notamment en raison de l’évaporation – représente environ
560 milliards de litres.

A l’avenir, l’AIE s’attend à ce que la consommation d’eau
associée
aux centres de
données soit multipliée par deux d’ici à 2030
, pour
atteindre
environ 1 200 milliards de litres par an.

Les conséquences d’un même prélèvement sur les nappes et les
rivières varient selon
les territoires. A titre d’exemple, 14 % de l’eau utilisée
par Google viennent de zones à risque
« élevé » de pénurie, selon les documents de
l’entreprise.

Emissions de CO2

Aujourd’hui, l’électricité des data centers provient pour plus de
la moitié
d’énergie carbonée.

La croissance des émissions de gaz à effet de serre des data
centers devrait
doubler, voire tripler, selon les scénarios établis par le Shift
Project.

Les data centers, dont une partie sert à l’IA, émettent
plus de gaz
à effet de serre que la France : 369 millions de tonnes
en équivalent CO₂, en 2024,
selon le ministère de la transition écologique.

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