vendredi, juillet 5

Carnet de bureau. La lettre de propos racistes reçue par Karim Rissouli à son domicile, mardi 25 juin, devrait servir d’alerte à tous ceux susceptibles de lutter contre une banalisation de la parole raciste au travail. Car c’est d’abord au travail que le journaliste de France 5 recevait des injures : « Ce n’est pas la première fois que je reçois ce genre d’insultes. Ça m’arrive régulièrement au bureau. Souvent on en rigole d’ailleurs, entre collègues, c’est le moyen de dédramatiser », témoigne-t-il dans son interview accordée au média en ligne Brut. Mais « quand ça arrive chez soi, il y a une forme de violence supérieure ».

L’expression raciste n’est pas une opinion. C’est une infraction, voire un délit lorsqu’elle est publique : l’injure publique à caractère discriminatoire est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’enjeu est de taille : en 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a enregistré 5 000 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, et 8 500 crimes ou délits, en hausse de 32 % sur un an, selon le rapport de la CNCDH publié le 27 juin.

Au-delà du simple respect du droit, il s’agit de lutter contre la violence qui affecte durablement le salarié et porte atteinte à l’entreprise, qu’elle soit exercée par des clients, des fournisseurs ou des collègues. Dans son essai Le Racisme ordinaire au travail (Editions Erès, 192 pages, 18 euros), la psychologue Marie-France Custos-Lucidi relate les ravages provoqués par des petites phrases du type « Moi pas comprendre toi » adressées à plusieurs reprises à une salariée métisse par sa directrice. Ce n’est ni de l’humour ni inoffensif, mais un acte de pure violence commis, dans ce cas, pour instaurer un rapport de domination. Comment l’entreprise peut-elle en protéger les salariés ?

« Ce n’est pas normal »

Approuvé par une récente décision de justice, Enedis a par exemple mis fin au contrat de travail d’un employé qui avait lancé à un collègue : « Je ne serre pas la main aux Noirs. » Des propos outrageux assimilés à des faits graves « qui ont un impact sur la santé et la sécurité des salariés », a souligné l’employeur à celui qui se défendait de les avoir prononcés « dans le but de plaisanter ».

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La mécanique discriminatoire – idée reçue, stéréotype, préjugé, discrimination – particulièrement insidieuse dans des relations de subordination propres au milieu du travail peut pourtant être enrayée avant la sanction. « Pour le manageur comme pour le salarié, la prévention passe par l’intervention sur le choix des mots à la fois pour identifier les violences et pour ne rien laisser passer. Car la violence sournoise sur le lieu du travail passe par une distorsion du langage », explique le sociologue Thomas Périlleux, auteur du Travail à vif (Editions Erès, 2023, 280 pages).

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